Session 3
The Extreme Violence of History
Moderator: Bertrand Bacqué (Associate professor, HEAD – Genève)
9:00 – 9:45
Jennifer Verraes (Associate professor, University of Paris 8, France)
(Re)commencer: dramaturgie historique de Lav Diaz
Dans le dernier film de Lav Diaz, Halte (2019), le soleil ne se lève plus. Situé en 2034, c’est le deuxième film d’anticipation de Lav Diaz après Hesus rebolusyonaryo (2002). Déjà Norte, la fin de l’histoire (2013) reprenait les thèmes de son premier film The Criminal of Barrio Concepcion (1998), empruntés comme le suivant à Crime et Châtiment de Dostoïevski. Le personnage de Lerma, jeune femme somnambule dans Naked Under the Moon (1999), revient sous les traits du personnage éponyme de Florentina Hubaldo (2012). Si, entre les films des années de formation de Lav Diaz dans l’industrie du cinéma philippin et ses oeuvres récentes, la ressemblance est réelle, la réitération n’est qu’illusion. Et pour cause, c’est le refoulé qui travaille. Il s’agira ici d’envisager la façon dont la première période du réalisateur témoigne d’emblée de cette forme particulière de dramaturgie historique qu’est le (re)commencement.
9:45 – 10:30
Sylvie Rollet (Emeritus Professor, University of Poitiers, France)
La texture temporelle de l’histoire, selon Lav Diaz
Un impératif innerve toute l’oeuvre de Lav Diaz : lever le voile de l’amnésie (officiellement organisée) qui recouvre les traumatismes de l’histoire collective philippine, car leur refoulement a favorisé et favorise encore leur répétition. Transmettre cette « histoire-mémoire » (Lagny) suppose de lui donner forme, c’est-à-dire de rendre sensible la complexité de sa texture temporelle. C’est pourquoi le cinéma de Lav Diaz nous offre, avant tout, une expérience : celle des conflits rythmiques qui déchirent le temps historique. Chacun de ses films – tant au niveau du récit que du plan – propose ainsi une combinaison singulière où s’affrontent la loi déterministe, qui articule l’avant et l’après, et le principe d’incertitude, qui régit aussi bien l’apparition du passé à même le présent que le soudain surgissement du nouveau. Trois figures s’en dégagent – la conséquence, la revenance et l’ouvert – qui dessinent une pensée de l’histoire extrêmement originale.
10:30 – 11:00 Coffee break
11:00 – 11:45
Gabriel Bortzmeyer (Researcher, University of Paris 8, France)
Lav Diaz, la possibilité d'un peuple ?
Au moins deux figures parcourent l’oeuvre de Lav Diaz, qui portent sur la catastrophe des témoignages inversés et solidaires : l’intellectuel et le miséreux, celui qui discourt sur la destruction et celui que ces mêmes ravages abîment. À côté d’eux, quelques fantômes les colons de jadis, qui hantent la langue parlée, et un État souvent évoqué mais toujours absent, sinon comme violence. Leur cohabitationdessine à la fois le désir de peuple et ce qui en barre la possibilité, par l’inachèvement de l’imaginaire national et par l’éparpillement des êtres égarés dans les décombres. Et le cinéma de Lav Diaz peut peut-être être vu comme ce qui tout à la fois éloigne et maintient cet horizon, faisant du peuple un pur possible.
11:45 – 12:30
Olivier Zuchuat (Filmmaker, Associate professor, HEAD – Genève, Switzerland & University of Paris 8)
Déplier le plan. Coalescences de l’espace-temps.
Que fait le temps à l’espace ? Dans les films de Lav Diaz, la durée tant des plans que du film déplie les espaces, les révèle et souvent les dresse les uns contre les autres. « Nous, les Philippins, nous ne sommes pas régis par le concept du temps. Nous sommes régis par le concept d’espace. Nous ne croyons pas au temps. Si nous étions régis par le temps, nous serions très progressifs et productifs. » Extrait d’un interview de Lav Diaz de 2012, ce constat fera office d’amorce à cette réflexion. En étudiant tant la structure spatiale des plans traversés par le temps que les puissances du montage, en s’interrogeant sur les multiples habitations du plan par les personnages (qui marchent, dialoguent, violentent, …), on cherchera, en prenant à rebours la notion de slow cinema, à analyser la pression continue du temps. Celle-ci creuse à l’intérieur des espaces, travaille à libérer les forces de différentiations et de conflits des lieux entre eux, et permet d’interroger – en archéologue– les mémoires enfouies du paysage.
Session 4
What men can do to other men
Moderator: Fabienne Costa (Professor, Univerity of Grenoble, France)
14:30 – 15:15
Corinne Maury (Associate professor, University of Toulouse Jean Jaurès, France)
Le procès de la cruauté. Une protestation contre la dénégation.
Dans Florentina Hubaldo, CTE (2012) et La femme qui est partie (2016), la cruauté est sans trêve, sans fin. Elle occupe avec acharnement le récit, prenant le visage de l’innommable et parfois de l’insoutenable. Dans ces deux fresques tragiques, le corps féminin est une altérité soumise à l’emprise des tyrannies humaines, patriarcales, politiques. La frontalité radicale des plans cinématographiques, leurs fixités et leurs durées toujours reconduites font de ces expositions de la violence et de la cruauté une protestation contre la négation de l’humain, un cri manifeste contre la dénégation de l’inhumanité de l’Homme.
15:15 – 16:00
Jean-Christophe Ferrari (Film critic, Paris, France)
Le soin du monde
Nombreux sont, dans le cinéma de Lav Diaz, les soignants et les guérisseurs. Tout aussi nombreux sont les malades, les blessés, que leurs souffrances soient physiques ou mentales. Longues et émouvantes sont les séquences où un être humain prend soin d’un autre. C’est donc un cinéma (tout comme celui d’Apitchapong Weerasethakul) qui fait une large place à la représentation du soin car l’action de soigner ne s’y réduit pas à un acte médical mais engage aussi un rapport éthique à l’autre et au monde. D’autant que soigner ce n’est pas seulement panser. Soigner, cela peut-être écouter, cela peut-être chanter, cela peut être réciter afin de bercer les cauchemars et les tourments de l’autre. Mais aussi ceux d’un pays et d’une terre si souvent secoués par les cataclysmes naturels ou politiques. La représentation du soin chez Lav Diaz n’est donc pas seulement un fait local : elle informe d’une esthétique cinématographique. Deux questions donc guideront notre intervention : 1) Comment mettre en scène une éthique du soin ? 2) Peut-on encore prendre encore soin du monde dans une époque et un pays où le lien avec le monde se défait (politiquement, écologiquement, etc.).
16:00 – 16:30 Coffee break
16:30 – 18:00
Conclusion
Lav Diaz (Filmmaker, Editor & Producer) and Hazel Orencio (Actress and Assistant Director, Philippines)
Moderators: Corinne Maury, Marcos Uzal and Olivier Zuchuat