Faire face / To face up

Colloque International Lav Diaz

HEAD – Genève 
Auditoire Boulevard James Fazy 15
1201 Genève

11-12 octobre 2019 
09h00 – 18h00 

Faire face / To face up 
Colloque International Lav Diaz / International Conference Lav Diaz

L’oeuvre cinématographique de Lav Diaz est chevillée au corps du peuple philippin, pétrie des vicissitudes politiques qui secouent le pays, traversée par les conséquences des cataclysmes climatiques qui dévastent l’archipel. Ses plans aux durées peu communes s’arriment aux destinées des opposants, des marginaux et des laissés pour compte. Accompagner les résistances, construire une mémoire collective, partager le temps de l’attente ou encore dessiner des tombeaux cinématographiques pour les disparus et les torturés : les fresques tragiques de Lav Diaz s’érigent contre le silence, l’amnésie et le refoulement. Sous-tendus par une violence étatique extrême (loi martiale, exécutions extrajudiciaires, « escadrons de la mort »), ses films mettent en lumière, sans détour, les tyrannies et les férocités de l’Histoire. L’esthétique endurante de ce cinéaste arpenteur transpose les lieux du ban, les forêts reculées, les marges des villes et les terres abîmées en autant d’espaces vécus ou subis, de paysages quotidiens où l’homme habite, s’abrite, s’exile et parfois se sauve. Avec une rage humaniste, Lav Diaz fait face au désastre politique, écologique et éthique, se risquant à raconter ce que l’Homme fait à l’Homme.

Organisation : 
Corinne Maury (Université de Toulouse Jean Jaurès) 
Marcos Uzal 
Olivier Zuchuat (HEAD-Genève & Université de Paris 8)  

Avec le soutien de EDESTA & ESTCA – Université de Paris 8, PLH/ELH – Université de Toulouse, du Fond National Suisse de la Recherche (FNS) et  le concours de l’Institut de recherche en art et en design (IRAD) 

Contact organisation : 
Olivier Zuchuat
T + 33 6 87 73 75 34

PROGRAMME 

VENDREDI 11 OCTOBRE 2019


9:15–9:30
Corinne Maury, Marcos Uzal, Olivier Zuchuat 
Introduction

Session 1
Nature: from Communion to Devastation 
Moderator: Jennifer Verraes (Associate professor, University of Paris 8, France) 

9:30 – 10:15
Fabienne Costa (Professor, University of Grenoble, France)

“There is no there there 
Les typhons provoquent des glissements du paysage, les invasions renversent le pays : « Ici n’est plus ici » constate-t-on de Death in the Land of Encantos (2007) à A Lullaby to the Sorrowful Mystery (2016). Quand la terre commune est ravagée, l’homme, soudain, ne sait plus ni où il est, ni d’où il vient ; coûte que coûte, il se cherche un socle, un sol à soi. Rien, désormais, n’est donné, il faut se mettre en quête du présent fuyant, quelque chose doit advenir pour redonner un sens, un horizon. Il s’agira ici de suivre les tensions de l’advenue, de récolter les signes d’un perpétuel sauvetage, entre lignes de fuite et inertie favorisant un nouvel ancrage in extremis, nécessairement éphémère. 

10:15 – 11:00
Graiwoot Chulphongsathorn (Lecturer, Srinakarinwirot University, Thailand) 
Le cinéma de Lav Diaz et l’anthropocène
Comme de nombreux pays de l’hémisphère sud, les pays du Sud-Est asiatique ont abrité certaines des premières victimes de cataclysmes écologiques, dont des tsunamis, des inondations, d’immenses feux de forêt et d’épais nuages de smog. De nombreux réalisateurs du Sud-Est asiatique, tels que Lav Diaz, se sont penchés sur ces questions écologiques et les ont inclues dans leur exploration cinématographique de l’histoire de la région. Cela dit, on parle rarement de l’aspect écologique de son travail, comparé aux autres questions fréquemment associées avec l’école cinématographique du Sud-Est asiatique, telles que le rôle de l’histoire ou la trans-nationalité. En conséquence, nous proposons d’envisager le travail de Lav Diaz à travers un prisme écologique et soutenons que son oeuvre propose un exemple de discours alternatifs de l’anthropocène. 

11:00 – 11:30   Pause 

11:30 – 12:15 
May Adadol Ingawanij (Professor, University of Westminster - London, UK) 
Que peut faire un artiste ?

Les films de Lav Diaz posent une question récurrente, à savoir ce que signifie le fait d’être un artiste à l’heure des politiques de la mort. Ma conférence confronte dialectiquement la valeur de l’énonciation artistique, du travail et de l’organisation, à la généalogie historique d’un art régional : celle d’une pratique avant-gardiste et masculiniste au sein de l’art moderne du Sud-Est asiatique, et de sa durabilité. Bien qu’habituellement non associée au canon de l’art contemporain du Sud-Est asiatique, la pratique de Diaz est une réponse exemplaire 5 à cette question fondamentale : que signifie être un artiste à l’heure actuelle, où l’héritage de l’artiste en tant que membre de l’intelligentsia et de l’avant-garde masculine dans des sociétés sous-développées est devenu décadent, tout en gardant un statut résiduel ? Ma conférence conceptualise le romanticisme animiste de la pratique de Diaz : la repré-sentation du matriarcat dans le champ des relations, du temps profond, de la permanence et du potentiel de la vie, ainsi que les qualités germinatives du processus né de la durée cinématographique chez Lav Diaz. 

12:15 – 14:00 Pause déjeuner 

Session 2
The Creative Process 
Moderator: Sylvie Rollet (Emeritus Professor, University of Poitiers, France) 

14:00 – 17:00
Workshop - Lav Diaz (Filmmaker, Editor and Producer) and Hazel Orencio (Actress and Assistant Director, Philippines)

Au travail 
Discussion avec Marcos Uzal (Critique) & Olivier Zuchuat 

17:00- 17:30 Pause Café  

17:30 – 18:15 
Lav Diaz (Film Director) – Hervé Joubert-Laurencin (Professor, University of Paris X – Nanterre, France) 
En lisant André Bazin 

Comment la lecture des écrits d’André Bazin a-t-elle influencé, nourri, voire même bouleversé le travail de réalisation d’un cinéaste ? Dialogues entre Lav Diaz, lecteur de Bazin et Hervé Joubert Laurencin, spécialiste des écrits du théoricien français dont il a édité en 2018 l’oeuvre complète. 

 

SAMEDI 12 OCTOBRE 2019


Session 3
The Extreme Violence of History

Moderator: Bertrand Bacqué (Associate professor, HEAD – Genève) 

9:00 – 9:45
Jennifer Verraes (Associate professor, University of Paris 8, France)
(Re)commencer: dramaturgie historique de Lav Diaz

Dans le dernier film de Lav Diaz, Halte (2019), le soleil ne se lève plus. Situé en 2034, c’est le deuxième film d’anticipation de Lav Diaz après Hesus rebolusyonaryo (2002). Déjà Norte, la fin de l’histoire (2013) reprenait les thèmes de son premier film The Criminal of Barrio Concepcion (1998), empruntés comme le suivant à Crime et Châtiment de Dostoïevski. Le personnage de Lerma, jeune femme somnambule dans Naked Under the Moon (1999), revient sous les traits du personnage éponyme de Florentina Hubaldo (2012). Si, entre les films des années de formation de Lav Diaz dans l’industrie du cinéma philippin et ses oeuvres récentes, la ressemblance est réelle, la réitération n’est qu’illusion. Et pour cause, c’est le refoulé qui travaille. Il s’agira ici d’envisager la façon dont la première période du réalisateur témoigne d’emblée de cette forme particulière de dramaturgie historique qu’est le (re)commencement.

9:45 – 10:30
Sylvie Rollet (Emeritus Professor, University of Poitiers, France) 
La texture temporelle de l’histoire, selon Lav Diaz 
Un impératif innerve toute l’oeuvre de Lav Diaz : lever le voile de l’amnésie (officiellement organisée) qui recouvre les traumatismes de l’histoire collective philippine, car leur refoulement a favorisé et favorise encore leur répétition. Transmettre cette « histoire-mémoire » (Lagny) suppose de lui donner forme, c’est-à-dire de rendre sensible la complexité de sa texture temporelle. C’est pourquoi le cinéma de Lav Diaz nous offre, avant tout, une expérience : celle des conflits rythmiques qui déchirent le temps historique. Chacun de ses films – tant au niveau du récit que du plan – propose ainsi une combinaison singulière où s’affrontent la loi déterministe, qui articule l’avant et l’après, et le principe d’incertitude, qui régit aussi bien l’apparition du passé à même le présent que le soudain surgissement du nouveau. Trois figures s’en dégagent – la conséquence, la revenance et l’ouvert – qui dessinent une pensée de l’histoire extrêmement originale. 

10:30 – 11:00   Coffee break 

11:00 – 11:45
Gabriel Bortzmeyer (Researcher, University of Paris 8, France) 
Lav Diaz, la possibilité d'un peuple ? 

Au moins deux figures parcourent l’oeuvre de Lav Diaz, qui portent sur la catastrophe des témoignages inversés et solidaires : l’intellectuel et le miséreux, celui qui discourt sur la destruction et celui que ces mêmes ravages abîment. À côté d’eux, quelques fantômes les colons de jadis, qui hantent la langue parlée, et un État souvent évoqué mais toujours absent, sinon comme violence. Leur cohabitationdessine à la fois le désir de peuple et ce qui en barre la possibilité, par l’inachèvement de l’imaginaire national et par l’éparpillement des êtres égarés dans les décombres. Et le cinéma de Lav Diaz peut peut-être être vu comme ce qui tout à la fois éloigne et maintient cet horizon, faisant du peuple un pur possible. 

11:45 – 12:30 
Olivier Zuchuat (Filmmaker, Associate professor, HEAD – Genève, Switzerland & University of Paris 8)
Déplier le plan. Coalescences de l’espace-temps.

Que fait le temps à l’espace ? Dans les films de Lav Diaz, la durée tant des plans que du film déplie les espaces, les révèle et souvent les dresse les uns contre les autres. « Nous, les Philippins, nous ne sommes pas régis par le concept du temps. Nous sommes régis par le concept d’espace. Nous ne croyons pas au temps. Si nous étions régis par le temps, nous serions très progressifs et productifs. » Extrait d’un interview de Lav Diaz de 2012, ce constat fera office d’amorce à cette réflexion. En étudiant tant la structure spatiale des plans traversés par le temps que les puissances du montage, en s’interrogeant sur les multiples habitations du plan par les personnages (qui marchent, dialoguent, violentent, …), on cherchera, en prenant à rebours la notion de slow cinema, à analyser la pression continue du temps. Celle-ci creuse à l’intérieur des espaces, travaille à libérer les forces de différentiations et de conflits des lieux entre eux, et permet d’interroger – en archéologue– les mémoires enfouies du paysage.

Session 4
What men can do to other men
 
Moderator: Fabienne Costa (Professor, Univerity of Grenoble, France) 

14:30 – 15:15
Corinne Maury (Associate professor, University of Toulouse Jean Jaurès, France) 
Le procès de la cruauté. Une protestation contre la dénégation. 

Dans Florentina Hubaldo, CTE (2012) et La femme qui est partie (2016), la cruauté est sans trêve, sans fin. Elle occupe avec acharnement le récit, prenant le visage de l’innommable et parfois de l’insoutenable. Dans ces deux fresques tragiques, le corps féminin est une altérité soumise à l’emprise des tyrannies humaines, patriarcales, politiques. La frontalité radicale des plans cinématographiques, leurs fixités et leurs durées toujours reconduites font de ces expositions de la violence et de la cruauté une protestation contre la négation de l’humain, un cri manifeste contre la dénégation de l’inhumanité de l’Homme.

15:15 – 16:00
Jean-Christophe Ferrari (Film critic, Paris, France) 
Le soin du monde
Nombreux sont, dans le cinéma de Lav Diaz, les soignants et les guérisseurs. Tout aussi nombreux sont les malades, les blessés, que leurs souffrances soient physiques ou mentales. Longues et émouvantes sont les séquences où un être humain prend soin d’un autre. C’est donc un cinéma (tout comme celui d’Apitchapong Weerasethakul) qui fait une large place à la représentation du soin car l’action de soigner ne s’y réduit pas à un acte médical mais engage aussi un rapport éthique à l’autre et au monde. D’autant que soigner ce n’est pas seulement panser. Soigner, cela peut-être écouter, cela peut-être chanter, cela peut être réciter afin de bercer les cauchemars et les tourments de l’autre. Mais aussi ceux d’un pays et d’une terre si souvent secoués par les cataclysmes naturels ou politiques. La représentation du soin chez Lav Diaz n’est donc pas seulement un fait local : elle informe d’une esthétique cinématographique. Deux questions donc guideront notre intervention : 1) Comment mettre en scène une éthique du soin ? 2) Peut-on encore prendre encore soin du monde dans une époque et un pays où le lien avec le monde se défait (politiquement, écologiquement, etc.).

16:00 – 16:30   Coffee break

16:30 – 18:00
Conclusion

Lav Diaz (Filmmaker, Editor & Producer) and Hazel Orencio (Actress and Assistant Director, Philippines)
Moderators: Corinne Maury, Marcos Uzal and Olivier Zuchuat

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Faire face / To face up - Colloque International Lav Diaz
© Lav Diaz (Season of the Devil & The Woman who left)