En 2018, la première édition de l’ouvrage Montage. Anthologie (1913-2017) a été publiée. Ayant rencontré un vif succès, elle a été très vite épuisée. À l’origine de cet ouvrage anthologique se trouve le postulat développé par la plupart des critiques, des théoriciens et des praticiens du cinéma, selon lequel le montage serait « l’essence du cinéma » (Eisenstein, 1960 ; Vertov, 1972 ; Koulechov, 1994) : ce qui le distingue des autres arts et qui lui donne sa spécificité et sa légitimité artistique. Nous avons voulu mettre à l’épreuve ce postulat par les textes des cinéastes, critiques et théoriciens et, par là, comprendre comment ils ont pu le justifier. Nous avons ainsi mis en évidence autant les points communs que les divergences entre les différentes approches théoriques et montré en quoi ces divergences ont produit différents types de cinéma.
Montage. Une anthologie (1913-2018) propose une boîte à outils pour les étudiant-e-s, les praticien-ne-s et les chercheur-se-s passionné-e-s par le montage et le cinéma. Dans ce livre, le lecteur trouve des textes signés Eisenstein ou Tarkovski, Bazin ou Godard, Van der Keuken ou Wiseman, Deleuze ou Agamben. De fait, une distinction a été opérée entre les textes « sources » — articles, manifestes ou entretiens, pour la plupart de cinéastes —, et des textes de « référence », écrits par des théoriciens ou des critiques. Les 94 textes sélectionnés à l’époque ont été retraduits lorsque cela était nécessaire, puis découpés, introduits et présentés de façon strictement chronologique. Ils sont assortis d’une dizaine de rhizomes thématiques (« Les prédicats du montage », « Continuité et rupture entre deux plans », « Le temps du montage : rythme, flux, vitesse », etc.) qui proposent des rapprochements créateurs de sens, invitant le lecteur à la déambulation et au voyage. Au fil de ces pages se dessine une autre histoire du cinéma, qui va des premières utilisations du terme « montage » et de l’élaboration de « règles », aux pratiques contemporaines plus intuitives, moins théorisées et peut-être même plus modestes.
Cependant, cette première édition n’a pas réussi à couvrir toutes les sphères linguistiques et culturelles. Nous n’avons pas pu, par exemple, obtenir des textes de cinéastes ou de critiques asiatiques ou provenant de l’Europe du Nord. Enfin, le nombre de textes signés par des femmes est limité, c’est pourquoi une nouvelle édition augmentée de Montage. Une anthologie (1913-2026) s’est imposée.
En effet, les recherches que nous avons menées pour la première édition ne nous ont pas permis de montrer la place des femmes dans l'histoire du montage, tant dans sa pratique que dans les réflexions théoriques à son endroit. Rares sont les femmes qui ont écrit au sujet du montage dans les soixante premières années de l'histoire du cinéma. Pour autant, ce sont elles qui ont assuré une grande partie du montage des films. Cette nouvelle édition augmentée vise à combler cette lacune grâce à une nouvelle recherche lancée spécifiquement à l’endroit des textes sur le montage écrits par des femmes. Pour ce faire, les membres féminins d’un comité scientifique composé de chercheuses en cinéma écriront notamment à plusieurs mains, en fonction de leurs spécialités, plusieurs textes qui analyseront la place des femmes dans le montage au cinéma, Ce travail détaillera les contributions des femmes dans le développement des esthétiques de montages, considérera leurs apports théoriques au travers de textes qui n’ont pas pour objet premier le montage, mais qui offrent dans « leurs marges », dans l’inter-texte, des contributions théoriques qui souvent n’ont pas été identifiées comme telles. Ce ou ces texte(s) s’attacheront ainsi à mettre en valeur la contribution souvent « invisibilisée » des femmes au montage. Ainsi, la quasi absence de textes sur le montage écrits par des femmes jusque dans les années 1970 sera pour ainsi dire questionnée et « compensée » dans le livre par ces contributions. Nous entreprendrons également une série d’entretiens avec des monteuses en activité, qui seront retranscrits et retravaillés par le comité scientifique.
D’autre part, il nous est apparu que cette première édition de Montage. Anthologie (1913-2017) ne comprenait pas suffisamment de textes provenant des cinéastes, monteur-se-s ou théoricien-ne-s du cinéma issu de l’Asie, de l'Amérique du Sud ou encore du continent africain. Cette deuxième version s’emploiera à combler, autant que faire se peut, ces lacunes territoriales et culturelles et ce par un travail de recherche mené en collaboration avec les membres du comité scientifique.