“One might feel like having supper in the bedroom or making love in the kitchen. It boils down to a question of tackling elementary principles: the quantity of space as an aesthetic principle, an architectural aesthetic and an aesthetic of life.“
Jean Nouvel, 1987
L’atelier a poursuivi une exploration et une critique des intérieurs domestiques génériques en s’intéressant à un contexte en apparence éloigné : celui du logement social contemporain au Portugal. Après avoir étudié de grands ensembles ainsi que des lotissements plus modestes dans notre environnement proche, l’objectif de ce semestre a été de se concentrer sur le logement, là où il devrait être le plus accessible et inclusif, et d’y interroger ses « principes esthétiques ».
Ces dernières années, une vague sans précédent de concours pour des projets de logements sociaux a émergé dans la périphérie de Lisbonne. Alors que les concours ouverts devraient stimuler la réflexion architecturale et nourrir la possibilité de nouvelles solutions à d’anciens problèmes, ici, le message semble être inverse. Tous les projets primés ont reproduit inlassablement les mêmes typologies et intérieurs, comme si la vie ne pouvait avoir de sens qu’au sein d’un diagramme unique supposément rationnel. Ces solutions génériques sont omniprésentes au Portugal, mais elles ne sont pas sans lien avec une grande partie de la production de logements contemporains à travers l’Europe. Elles réduisent le domaine domestique à un simple contenant d’objets et de personnes, dont l’illusion de neutralité sert avant tout à garantir une insertion aisée sur le marché, même lorsque des fonds publics sont engagés. Pourtant, l’intérieur résidentiel est inévitablement imbriqué dans une myriade de formes de vie et d’intimité. Cet aspect irréductible en a fait peut-être l’un des principaux champs de bataille face à la marchandisation de notre environnement bâti.
En proposant des solutions alternatives et économiques dans ce contexte, nous avons repensé radicalement la spatialité même du logement, ainsi que les divisions nécessaires entre l’intime et le commun, entre le partagé et le privé. Nous avons également questionné les matériaux mêmes qui composent les appartements et leurs multiples potentialités. Dans ce cadre, le « décoratif » a signifié une transgression de la « rationalité et du contrôle », un signe de vitalité, de diversité et d’intentionnalité de la part des architectes d’intérieur – peut-être une voie vers une « esthétique de la vie » repensée.