Hommage à Nicolas Nova (1977-2024)

Le 31 décembre 2024, Nicolas Nova, professeur ordinaire à la HEAD – Genève, nous a quittés subitement à l’âge 47 ans. Passionné par les voyages mêlant paysages, folklore et imaginaires, il puisait dans ces expériences la matière de ses recherches, explorant les liens entre nature, technologies et croyances. Nicolas Nova était un visionnaire, dont la curiosité et la générosité ont profondément marqué ses étudiant·exs, collègues et ami·exs. Sa disparition est une immense perte pour le design, les sciences humaines et les cultures numériques.

Un parcours entre technologie et sciences sociales
Né à Roanne (France) en 1977, Nicolas Nova possède une double formation en sciences naturelles et cognitives. Il a mené deux thèses de doctorat : l’une en interaction humain-machine (EPFL, 2007) sur les médias géolocalisés, et l’autre en sciences de la société (Université de Genève, 2018) sur le rôle du smartphone dans nos vies. Il excellait à créer des ponts entre les disciplines, rassemblant des communautés de recherche, d’artistes et de designers autour de réflexions inédites. Cofondateur des conférences Lift à Genève (2006), il invitait à regarder les technologies autrement : au-delà des critiques faciles, il explorait leurs paradoxes et usages inattendus.

Explorer les marges et sous-cultures
Nicolas Nova s’intéressait plus particulièrement aux pratiques marginales et aux rencontres improbables des sous-cultures. Un de ses premiers livres, 8-Bit Reggae (2014), analysait la collision entre la culture des jeux vidéo et le reggae/dub. Pour lui, les technologies ne sont jamais homogènes : elles racontent des histoires riches et contradictoires, façonnées par les pratiques sociales et les détournements. Il aimait observer ce que les objets révèlent de nos sociétés, qu’il s’agisse de bugs, de réparations improvisées ou de rituels numériques.

Le design fiction
Son ouvrage Futurs ? La panne des imaginaires technologiques (2014) explorait les stéréotypes des visions dystopiques ou utopiques des films de science-fiction, souvent reprises telles quelles par l’industrie technologique. Avec le Near Future Laboratory (2006) puis avec son associé Fabien Girardin (2024), il développait dans le champ professionnel le « design fiction » : une approche où la production d’objets fictifs invite à interroger les futurs possibles. Par là, il cherchait à dépasser les récits dominants pour imaginer des alternatives plus justes.

Penser l’écologie des technologies
L’écologie, à savoir la science des milieux humains, naturels et machiniques, était au cœur de ses derniers travaux. Il explorait notamment les transformations des Alpes et des stations de ski, que ce soit dans le jeu de rôle issu du projet de recherche Chamonix-Sentinelles (HEAD, 2023) ou dans son essai Fragments d’une montagne (2023). Parallèlement, deux projets FNS menés au sein de la HEAD (2017 et 2024) s’intéressaient aux « déchets numériques », analysant comment les objets obsolètes sont réparés ou réutilisés hors des circuits industriels. Le soin apporté à ces livrables démontre que le souci de la forme est légitime à faire partie d’une démarche de recherche.

Des bestiaires aux folklores
L’étude de ces cultures hybrides a été poursuivie dans le Bestiaire de l’anthropocène (2023), co-écrit avec le collectif Disnovation, qui recense des objets hybrides comme les plastiglomérats, chiens-robots, arbres-antenne ou montagnes décapitées, illustrant la fusion entre technosphère et biosphère. Pensé pour être décliné en expositions ou posters, l’ouvrage reflète le souci de rendre la recherche accessible et opérante. Son dernier essai, Persistances du merveilleux. Le petit peuple de nos machines (2024), explore les facettes cachées du numérique – trolls, daemons et autres « fantômes » des programmes – poursuivant ainsi son inventaire des imaginaires technologiques.

Une pédagogie située
À la HEAD – Genève, Nicolas Nova enseignait avec passion, encourageant ses étudiant·exs à observer, questionner et créer, que ce soit sous forme de séminaires, d’excursions alpines ou d’ateliers sur les rebuts électroniques. Ses cours en Master Media Design, tels que Alpine TechnosphereTech Mining ou Making sense of algorithms, combinaient exploration poétique et analyse critique. Par sa bienveillance et son expertise, il a inspiré des générations de designers, leur ouvrant des perspectives nouvelles. Les clés de ses méthodes ont par ailleurs été documentées dans Enquête/création en design (2021), Exercices d’observation (2022) ou En quête d’images (2024).

Un éclaireur des futurs possibles
Nicolas Nova laisse derrière lui une œuvre riche, composée de 19 livres et de nombreux articles. Il avait cette capacité unique à voir du potentiel dans les interstices de l’ordinaire et à encourager les autres à penser et faire autrement. Dans un monde académique souvent compétitif, il incarnait une pensée collective et généreuse. Par son travail, il a montré que le design est bien plus qu’une question de goût : c’est une manière située de comprendre le présent et d’imaginer des futurs alternatifs.

Anthony Masure est professeur associé et responsable de la recherche à la Haute école d’art et design de Genève (HEAD – Genève, HES-SO).
Alexia Mathieu est professeure HES assistante et responsable du Master Media Design à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD – Genève, HES-SO).

— — —

La HEAD – Genève exprime ses condoléances les plus sincères à sa famille, ami·exs, collègues, et étudiant·exs. 
Si vous souhaitez laisser un message d’adieu, un livre blanc en ligne est disponible ici : https://nicolasnova.org. Une carte de condoléances est également disponible au secrétariat du département Communication Visuelle. Vous pourrez y laisser vos messages de soutien et d’hommage, qui seront transmis à sa famille et à ses proches.

Par ailleurs, plusieurs hommages seront rendus à Nicolas Nova, entre autres à Genève le 6 février 2025 et à Paris le 8 février 2025 (détails à venir).

 

Voir tous les événements de l’école

Hommage à Nicolas Nova (1977-2024)
© Alicia Dubuis, HEAD – Genève, décembre 2023