Dans un essai de 2014, « L’Ontologie de la Finance », Suhail Malik met au défi les déclarations marxiennes orthodoxes concernant les liens entre le capitalisme, la finance et la politique. En s’appuyant sur l’oeuvre de Nitzan et Bichler, Le Capital en tant que Pouvoir, Malik soutient que l’accumulation du capital n’est pas propulsée par la valeur auto-valorisante mais par la logique différentielle de détermination des prix. Selon les termes de Malik, « les prix administrés rendent explicite que le prix est le moyen de l’accumulation du capital comme ordonnancement du pouvoir ». Dans le capital financier, le prix devient une variable abstraite indépendante de son incarnation dans des actifs concrets : ce n’est plus une mesure de valeur, mais uniquement du prix lui-même. Ainsi, Malik soutient que la financiarisation n’est pas une espèce de capitalisation ; mais plutôt, la capitalisation est une espèce de financiarisation. Étant donné que la logique de la valorisation implique une liaison du temps, c’est à travers la détermination des prix en tant que liaison du temps que le capital exerce le pouvoir social. Mais le pouvoir du capital en fonction de sa liaison du temps ne peut être contesté en recourant à des modèles existants d’action politique : l’agentivité collective humaine n’offre pas une contre-puissance crédible contre l’ordonnancement du pouvoir exercé par la détermination des prix. Étant donné que les marchés des produits dérivés sont le moyen de valorisation, Malik semble suggérer que la spéculation financière est le moyen approprié pour contrer le pouvoir du capitalisme. Cette conférence examinera les mouvements clés dans l’argument de Malik et évaluera de manière critique ses ramifications politiques. Nous vous recommandons vivement la lecture de l’essai « L’Ontologie de la Finance » avant le séminaire public.

Ray Brassier a obtenu son doctorat en Philosophie à l’Université de Warwick en 2001. De 2002 à 2008, il a été chercheur affilié au Centre de Recherche en Philosophie Moderne Européenne de l’Université de Middlesex. Depuis 2008, il est membre du département de Philosophie à l’Université Américaine de Beyrouth. Il est l’auteur de Nihil Unbound : Enlightenment and Extinction (Palgrave 2007, traduction française a paraître chez PUF en 2017) et le traducteur anglais des écrits d’Alain Badiou et de Quentin Meillassoux. Il travaille actuellement sur un livre intitulé Reasons, Patterns, and Processes.

Navigating Turbulences désigne le séminair public 2016/17 organisé par le Master Programme de Recherche CCC, conceptualisé par Doreen Mende, à la HEAD-Genève. Plus un cadre qu’un thème, Navigating Turbulences [naviguer turbulences] propose de continuer à penser ensemble la nécessité de nouveaux vocabulaires pour vivre en temps de turbulences mondiales, et ce au moyen de procédés de recherche contemporains. Toutes les sessions émergent du programme CCC avec les membres du corps professoral des enseignements. L’idée du Colloquium provient littéralement de l’action de “parler ensemble”: de com- “ensemble”+ -loquium “speaking”. Une telle approche ne propose donc pas l’action de penser comme méthode philosophique, mais surgit plutôt d’un moment de turbulence où la connaissance est en crise et qui nous oblige à penser, à penser différemment.