L’association entre « pays du Golfe » et « culture » est nouvelle, et elle étonne tant elle contredit l’image habituellement associée aux principautés du Golfe persique. La multiplication des annonces de musées à forte visibilité internationale au Qatar et à Abou Dhabi en a été la forme la plus éclatante ces dernières années. Or, ces "musées-miroirs" n’ont pas émergé dans un désert culturel. Le Louvre Abou Dhabi n’est pas un « Louvre des sables ». Dès les années 1970, les États de la rive sud du Golfe persique s’étaient déjà tous dotés d’au moins un grand musée national.

En comparant ces deux modèles de musées, la deuxième guerre du Golfe (1990-1991) apparaît comme un tournant politique majeur duquel est né un nouvel ordre régional qui a non seulement mis à mal l’hégémonie saoudienne sur la péninsule arabique, mais a aussi modifié le rapport de force entre les familles régnantes et leurs sujets. A moins d'un mois de l'inauguration d'un Louvre à Abou Dhabi, cette conférence cherchera à montrer à partir du cas des principautés du Golfe persique comment l'adoption des marques culturelles du libéralisme peut nourrir l’exclusion politique des classes moyennes dans un régime autoritaire.

Bio de Alexandre Kazerouni
Alexandre Kazerouni est docteur en science politique, spécialisé sur le monde musulman contemporain. Il est l'auteur de Le miroir des cheikhs: musée et politique dans les principautés du golfe Persique (Puf, 2017), qui est fondé sur sa thèse de doctorat soutenue à l'Institut d'Études Politiques de Paris en novembre 2013. Il est actuellement chercheur à l'École normale supérieure, Université PSL, associé au Centre Jean Pépin (CNRS). Il enseigne également à Sciences Po, à Paris.