En conversation avec Lionel Bovier, directeur du MAMCO, Musée d’art moderne et contemporain de Genève
en partenariat avec Payot Libraire

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La HEAD – Genève est fière d’accueillir John M Armleder dans le cadre du programme Talking Heads. L’artiste, qui est l’une des grandes figures de la scène helvétique, est à la fois un acteur incontournable de l’art à Genève et sur le plan international. En conversation avec Lionel Bovier, historien de l’art, directeur du Mamco à Genève et spécialiste de l’œuvre de l’artiste, il évoquera son parcours singulier, sa vision personnelle de l’art, ainsi que la constellation d’artistes avec lesquels il dialogue depuis la fin des années 1960. 

Après des études à l’Ecole des Beaux-Arts de Genève, John M Armleder fonde, en 1969, avec Patrick Lucchini et Claude Rychner, le groupe ECART, écho suisse du mouvement Fluxus. Les créations collectives du groupe, entre expérimentations à plusieurs mains, mail art et actions poétiques, annoncent déjà une œuvre située à la croisée de l’art et de la vie quotidienne. Entre 1973 et 1983, ECART s’engage dans la production d’éditions et de publications d’artistes, et tient une galerie qui devient rapidement un lieu de découverte et de rencontres essentiel au sein de la scène romande. 

Dès 1979, dans la continuité d’une pratique artistique faisant fi des hiérarchies, John M Armleder initie la série des Furniture Sculptures (« sculptures meubles ») qui associent peinture abstraite et mobilier. Ce travail, qui l’inscrit alors, peut-être malgré lui, dans la mouvance Neo Geo, retour à l’abstraction dans les années 1980 par le détour du Pop, constitue une série de gestes iconoclastes sous la forme de « peintures d’ameublement ». Citant les icônes des avant-gardes abstraites du début du 20^ème siècle et les plaçant sur le même plan que des objets usuels, John M Armleder inscrit dès lors son travail dans une histoire de la peinture dans laquelle l’attitude subversive de Francis Picabia côtoie l’utopie moderne de Piet Mondrian, la neutralité du readymade duchampien et la distance ironique d’Andy Warhol. 

Par la suite, l’œuvre de John M Armleder ne cesse d’ouvrir de nouveaux terrains d’exploration esthétique, mêlant installations monumentales, environnements, projets collectifs, enseignement, commissariats d’expositions, éditions, commandes, encore et toujours, sans hiérarchie. La série encore en cours des Pour Paintings (« Peintures versement ») en sont les emblèmes : dans l’atelier, entre event et alchimie, diverses matières sont déversées sur une toile de grand format, pour ensuite se mêler de manière aléatoire, sans distinction, créant des paysages fascinants. Jouant avec la notion d’indétermination chère au compositeur John Cage,  cette pratique met à distance à la fois les dimensions de composition, d’auteur, de bon ou de mauvais goût. La beauté impersonnelle qui se dégage de ces toiles confronte l’abstraction gestuelle, icône d’une modernité héroïque, à la grâce d’un quotidien anonyme et silencieux. 

John M Armleder est né en 1948 à Genève ou il vit et travaille. Son travail a été montré dans le monde entier, et est présent dans plus importantes collections d’art d’aujourd’hui. Des expositions récentes lui ont notamment été consacrées par la Tate Liverpool, la Kunstverein de Hanovre (2006), le Rose Art Museum de Boston (2007), l’Institute of Modern Art de Brisbane, le Centre Culturel Suisse de Paris (2008), le Kunstmuseum St. Gallen (2010), le Swiss Institute de New York (2012)  . En 2006, le Mamco lui avait consacré une exposition personnelle intitulée Amor Vacui, Horror Vacui. Il a reçu le Prix Meret Oppenheim en 2011. 

Lionel Bovier est né en 1970. Historien de l’art, curateur, éditeur, il est le fondateur des éditions JRP à Genève, devenues JRPIRingier en déménageant à Zürich. Il est depuis janvier 2016 le Directeur du Musée d’art moderne et contemporain de Genève.