Talking Heads avec Ursula Meier

Lundi 5 Janvier 2015

Ursula Meier, cinéaste en discussion avec Jean Perret, critique, essayiste, responsable du Département Cinéma/cinéma du réel HEAD – Genève et Moïra Pitteloud, étudiante MA cinéma

21 janvier 2015
Auditoire, Boulevard James-Fazy 15
à 19h00

Visionner la Talking HEADS
Images de la conférence

Elle dit avec force nuances et clairvoyance que son dernier film, L’enfant d’en haut (2012) est un film vertical, alors que Home (2008) est horizontal. Mais alors, dans quelle configuration spatiale placer les quelques huit autres films de Ursula Meier, tournés au cours de ces presque vingt dernières années ? En tous les cas, les gestes qui fondent d’ores et déjà une œuvre, qui retient notre meilleure attention, relèvent de fictions, d’un documentaire et d’un essai marquants.

Ces films font l’objet de recherches préalables sur le terrain, qu’ils soient bien concrets, comme une station de ski dans L’enfant d’en haut (2012) ou résolument imaginaire, et encore !, quand il s’agit d’une autoroute remise en activité au bord du jardin d’une modeste maison de famille dans Home (2008).
Quant à Des épaules solides (2002), c’est l’importance de la mise en espace d’un corps sportif soumis tant aux entraînements éreintants qu’aux épuisantes exigences de mobilisation psychologique qui fonde ce récit tourné… à l’épaule.

Mais dès le début des années 90, les courts métrages font autorité. Que l’on pense à ce remarquable tour de table dans Tous à table (2001), film authentiquement choral, et à la rencontre fertile avec l’œuvre de Robert Pinget, Autour de Pinget (2000), un essai à proprement parler, qui s’invente une démarche propre à prendre la mesure de l’écriture d’un écrivain de la modernité. 

Le cinéma d’Ursula Meier est ancré dans le temps actuel, il est notre contemporain et se démarque résolument du maniérisme ambiant, qui se plaît à prélever non sur le réel, mais sur le cinéma même la matière de ses récits. Dans chacun des films, jusqu’à son dernier, Les ponts de Sarajevo (2014), la réalisatrice  prend en compte des dimensions sociales, politiques dans leurs complexités matérielles et psychologiques. A preuve ce passionnant roman de la rue, soit un documentaire, qui est une enquête dans la Genève interculturelle sous haute tension : Pas les flics, pas les Noirs, pas les Blancs (2002).
 
Tout est affaire de mise en scène. Les lieux et les personnages sont pris en compte par une écriture cinématographique qui dessine des va-et-vient entre le réel et l’imaginaire. L’écriture des films, qui suppose, avec la collaboration en particulier d’Antoine Jaccoud, la mise à l’épreuve du désir même du film à venir, est une étape particulièrement délicate : il convient de veiller à ce que la fiction ne prenne le pas sur des vies de personnages, telles qu’elles peuvent être réellement vécues. C’est une des raisons pour lesquelles la réalisatrice porte autant d’attention à ses actrices et acteurs, à leur naissance en tant que personnages authentiques devant sa caméra. 

Ursula Meier parlera-t-elle de l’innocence de ses premiers films, de celui, vraiment perdu ?, tourné pendant deux étés entre 15 et 16 ans ? Cette Talking Heads est en tous les cas l’occasion de présenter des images inédites et rares, comme des séquences de différents films retenues pour enrichir un débat que nous souhaitons oblique, comme il se doit, afin de mieux voir dans leurs profondeurs de champ les lignes horizontales et verticales d’un travail cinématographique remarquable.

Jean Perret
Décembre 2014

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Portrait de Ursula Meier
© Claude Dussez
Talking Heads avec Ursula Meier
© HEAD – Genève
Talking Heads avec Ursula Meier
© HEAD – Genève, Samuel Lecocq
Talking Heads avec Ursula Meier
© HEAD – Genève, Samuel Lecocq