« Alain Cavalier souhaite parcourir plus de quarante années de son cinéma du point de vue des personnes qu’il a filmées. Celles-ci sont autant de personnages auxquels des acteurs, parfois célèbres, ou des débutants, ou des non professionnels, et des gens pris dans leur gestes quotidiens, prêtent leurs corps, leurs visages, leurs regards et leurs voix – leur présence.
C’est là toute l’histoire du cinéma, celle de rencontres privilégiées, qu’incarne de façon exceptionnelle et singulière l’œuvre d’Alain Cavalier. « Quand tu ne veux rien, tu reçois » remarque le cinéaste pour expliciter une posture paradoxale, qui consiste à prendre une image, selon l’expression admise, tout en appelant de ses vœux le fait de la recevoir.
De L’Insoumis (1964) avec Alain Delon, corps d’acteur en possession parfaite de tous les gestes de son personnage, à Pater (2011), face à face entre un Président, joué par Alain Cavalier en personne, et un Premier Ministre, auquel Vincent Lindon donne ses mouvements d’humeur et de conscience, ce chemin parcouru par le cinéaste fera le lit de cette Talking Heads.
Alain Cavalier a connu les équipements lourds du cinéma des vedettes, puis les caméras légères des essais à la première personne, il a navigué d’une économie de producteurs avec pignon sur rue à un certain dénuement de l’autoproduction, qui n’est pas misère : son travail est fait de ruptures intensément incarnées, Ce répondeur ne prend plus de messages, d’avancées fictionnelles, Thérèse, René, de récits forcément autobiographiques, La rencontre, Irène, d’expérimentations, ses innombrables « petits films » tels La danseuse est créole,… toutes ces démarches de création relèvent des pratiques du cinéma considéré comme le champ privilégié de l’essai et par voie de conséquence des risques à prendre.
Un choix d’extraits de films, un inédit, des séquences rares, des moments magnifiques d’une œuvre exceptionnelle vont tisser les fils de cette rencontre.
Et nous reverrons La rémouleuse, un chef d’œuvre de portrait.
Nous fréquentons depuis des années ce cinéma du réel tel qu’inventé par Alain Cavalier ; son invitation à LA HEAD Genève est une occasion rare de poursuivre ces échanges conçus en un récit que nous voulons passionnant. »
-