Harun Farocki, cinéaste, artiste et critique est le prochain invité du cycle de conférences Talking Heads. Coup de projecteur sur une oeuvre spectaculaire qui met en question le pouvoir des images établies dans le brouillard des images de marques, publicitaires et promotionnelles, dans le flux désormais incessant des messages audiovisuels
alors que les gens de la rue ont un besoin impérieux d'y voir clair alors que les abyssales tranchées du web regorgent de sites, de réseaux et de ramifications obèses alors que la confusion et l'amalgame sont à leur comble entre communication et information alors que la mise en oeuvre de points de vue documentés et inspirés relève d'urgences quotidiennes pour fonder les identités nécessaires à charpenter des visions qui donnent sens au monde.
Harun Farocki - il convient de faire valoir les engagements roboratifs d'un marcheur solitaire qui sait travailler en équipe, d'un passeur opiniâtre, d'un homme à l'intelligence acérée. Il convient de saluer ce travail d'authentique création qui articule la pratique de la théorie et la théorie de la pratique de façon si inventive et spectaculaire. Il convient de passer du bon temps à la lecture critique et rigoureuse des rhétoriques du flux et à la découverte de ses autres objets de connaissance, qu'il réalise, qui sont autant de contre-propositions dessinant une nouvelle géographie - désaxée - du monde et de ses images.
Harun Farocki - le compte exact existe-t-il, plus de cent films, des courts, moyens et longs métrages, qui relèvent du geste à la fois documentariste, expérimental et de l'essai au sens le plus inventif ; qui plus est, il conçoit des installations, recourt à la photographie, au dessin, il cherche, recherche, enquête, pose des questions, lance des hypothèses, risque des réponses. Il sait dire et contredire – et surtout raconter autrement des histoires vraies. Il engage toute une typologie d'images – de guerre, des news, de surveillance, des appareils d'exercice du pouvoir, d'archives de toute nature, de jeux vidéo, dont il met en lumière les vérités problématiques. Il s'intéresse forcément au cinéma même, à ses modes de reproduction du réel, à ses récits – qu'il n'a de cesse d'interroger, de démonter pour en démontrer les fonctionnements.
Harun Farocki - une oeuvre spectaculaire, conduite selon des rythmes différents, un travail de très longue haleine, réactif, réflexif et toujours conçu dans un dialogue d'intelligence et de nécessaire provocation à l'endroit des pouvoirs des images établies. Homme de talents complémentaires, de la réalisation de films à la rédaction de nombreux essais, de l'enseignement à de nombreuses collaborations. Il développe actuellement Labour - in a single shot - concept for a Workshop and Exhibition, un projet consacré aux gestes du travail, engagé à l'international (Europe, Proche-Orient, Asie, Amériques du Sud et du Nord, Afrique) ; l'une des stations de Labour est la HEAD – Genève, plus particulièrement son Département Cinéma et son option Information/Fiction, au travers d'un Atelier qui aura lieu du 20 au 24 février.
Jean Perret
-