Dans le cadre du séminaire Actualité de la recherche, organisé conjointement par le Département d’histoire de l’art de l’Université de Genève et la HEAD – Genève, aura lieu la conférence de Larisa Dryansky, Sorbonne université Paris.
En 1968, l’artiste américain Mel Bochner réalise une série de photographies dont les couleurs chatoyantes, presque vulgaires, et le matiérisme tranchent avec l’austérité de ses précédentes expérimentations photographiques. Intitulé Transparent and Opaque, cet ensemble montre des plaques de verre recouvertes soit de mousse à raser, soit de vaseline appliquée en couches épaisses, et photographiées sous des lumières colorées. Revenant sur ces images dans un entretien récent, l’artiste éclaire ainsi sa démarche : « [elles] empruntent aux tropes de la peinture abstraite, mais comme elles sont placées dans un espace virtuel, elles acquièrent une étrange et non existante tactilité. » La place du tactile et, plus largement, de la matérialité peut sembler a priori limitée dans l’œuvre de Bochner que l’on associe habituellement à l’art conceptuel et à son projet de dématérialisation de l’objet d’art. Cependant, plusieurs de ses travaux comportent des indices de l’intérêt porté par l’artiste à la nature tactile et tangible tant des œuvres que de leur exécution. Mais si la matérialité est bien au cœur de ses préoccupations, ce n’est pas d’une matérialité ordinaire qu’il s’agit comme l’indique bien le qualificatif de « non existante » accolé par Bochner à la tactilité de Transparent and Opaque. C’est ce paradoxe que notre communication tentera de cerner.