Il est aussi malaisé de cerner avec précision la date de naissance officielle du mouvement Fluxus que de dessiner les contours précis de la constellation d’artistes qui y participe. Par définition, ce groupe d’artistes qui, influencé autant par John Cage, la philosophie orientale que Dada, se rassemble, au début des années 1960, autour des notions de flux et de mouvement, d’interprétation et de circulation.
Aujourd’hui, Fluxus se refuse encore aux cadres établis de l’historiographie y préférant l’intelligence partagée de la création collective et de l’interprétation continue d’un répertoire commun. Prenant comme prétexte la date du « Fluxus-Festspiele Neuester Musik » organisé à Wiesbaden en septembre 1962 par George Maciunas, cette exposition célèbre alors un « non-anniversaire », en posant un regard non pas rétrospectif mais prospectif, sur cette expérience.
Cinquante « partitions » (events, textes, définitions, poèmes, instructions, pièces) sont réunies avec la complicité de John M Armleder, acteur essentiel de la scène genevoise, et dont le groupe ECART, à la fin des années 1960, peut être considéré comme un écho immédiat de Fluxus en Suisse. Durant cinquante jours, celles-ci sont offertes à l’interprétation de cinquante artistes, qu’ils soient liés au groupe ou directement influencés par Fluxus, qu’ils soient des héritiers possibles de cette famille artistique ou dont le travail entre en résonance avec celui des artistes du mouvement, qu’ils soient en formation dans le cadre de l’école.
La forme exposée de ces cinquante partitions est confiée à l’artiste suédois Karl Holmqvist. Le poète et performeur a dessiné une police de caractère basée sur sa propre écriture, mettant ainsi indirectement par écrit ces mots dans l’espace. Sur cette écriture typographiée, il intervient ensuite à la main au travers de notes, textes et dessins, à même les murs de la galerie. Base continue de l’exposition, à partir de laquelle elle s’anime continûment, cette intervention fait écho aux dimensions conceptuelles, performatives, mentales mais aussi musicales, théâtrales, poétiques et vivantes des oeuvres Fluxus. Ce projet active ainsi, en la (re)jouant, une archive potentielle, dont le lieu devient dès lors la chambre d’échos. Cet hommage choral, pris en charge par un réseau d’artistes, accueille en son coeur un groupe d’étudiant-e-s de la Head – Genève, impliqué à divers niveaux du projet : conceptuel, artistique et curatorial. Car ce qui importe ici n’est pas de revivre le passé, mais bien de prolonger cette expérience, voire de la projeter, aujourd’hui, dans le futur.
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