Des chercheur·euse·s viennent de cartographier l’ensemble des sources lumineuses nocturnes du bassin genevois, permettant d’identifier des zones du territoire faiblement ou fortement impactées par la pollution lumineuse. Ce nouvel outil a pour objectif de faciliter la mise en place de solutions répondant aux objectifs de la stratégie Biodiversité Genève 2030 en vue de ménager la richesse de notre cadre de vie et de valoriser durablement notre précieux patrimoine nocturne.
L'augmentation de la lumière artificielle au cours des dernières décennies a conduit à une prise de conscience générale des conséquences néfastes de la pollution lumineuse sur la biodiversité - par exemple les chauves-souris, papillons nocturnes et de nombreux autres pollinisateurs - mais aussi sur la santé humaine. La lumière artificielle est cependant encore rarement prise en compte dans la gestion des réseaux écologiques1. Il n'existe actuellement aucune méthode normalisée pour intégrer ce facteur d'obscurité dans la modélisation des réseaux écologiques.
Ce travail, soutenu par l’Etat de Genève, a été réalisé en partenariat entre l’institut Terre-Nature-Environnement de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture (HEPIA) et l'institut des Sciences de l'Environnement de l’Université de Genève (UNIGE). Il s’inscrit dans le cadre de la Stratégie Biodiversité Genève 2030 qui a pour objectif garantir notre bien-être à long terme en conciliant le développement des activités sur notre territoire avec le maintien d’une biodiversité locale riche et apte à assurer les nombreux services fournis à la population. La méthode proposée vise à identifier les zones échappant à la pollution lumineuse – le continuum nocturne2, également appelé trame noire – et se base sur l’utilisation de données cartographiques (libres d’accès) couvrant une portion de l’agglomération du Grand Genève : une photographie aérienne nocturne et des modèles numériques d’altitude révélant la topographie du terrain et les structures du paysage.
Visibilité des sources lumineuses du bassin genevois. (Ranzoni et al., 2019)
La première étape de la méthode permet l’extraction automatisée des sources lumineuses à partir des photographies aériennes nocturnes : sur le bassin genevois, plus de 78'500 points lumineux vus du ciel ont ainsi été détectés. La seconde étape vise à modéliser leur visibilité sur le territoire, en prenant en compte la topographie et les structures constituant des obstacles à la dispersion lumineuse (haies, arbres isolés, constructions, etc.). Il est ainsi possible de simuler la visibilité des sources lumineuses telles qu’elles peuvent être perçues par des espèces animales et ainsi déterminer les zones du territoire qui sont le plus fortement impactées par la lumière. Enfin, le continuum nocturne peut être obtenu en croisant ces données avec le réseau écologique genevois existant – constitué des trames verte (forêts), bleue (milieux aquatiques), etc.
L'analyse pourrait être encore affinée pour prendre en compte des données métriques d'éclairage (type d’ampoule, intensité lumineuse, longueur d’ondes, etc.). Celle-ci permet toutefois déjà d'obtenir une cartographie à grande échelle et met en évidence les zones qui échappent largement à la pollution lumineuse. La cartographie du réseau écologique nocturne constitue dès lors un outil d’aide à la décision pour orienter la mise en place de mesures visant à préserver ou restaurer l’obscurité au sein des milieux et ainsi assurer le maintien d’un réseau écologique fonctionnel. Elle permet ainsi d'envisager des actions sur le terrain pour ménager durablement la richesse de notre cadre de vie et mieux valoriser notre précieux patrimoine nocturne.
1. Un réseau écologique a pour vocation la définition de l’ensemble des milieux naturels, réservoirs de biodiversité et corridors, qui est essentiel à la préservation de la biodiversité sur un territoire.
2. Le continuum nocturne est défini comme étant l’ensemble des surfaces ne présentant pas d’impact généré par la lumière artificielle nocturne.
PUBLICATION
Ranzoni, J., Giuliani, G., Huber, L., Ray, N., 2019. Modelling the nocturnal ecological continuum of the State of Geneva, Switzerland, based on high-resolution nighttime imagery. Remote Sensing Applications: Society and Environment 16, 100268. https://doi.org/10.1016/j.rsase.2019.100268