Le pouvoir expérientiel du langage au service de la qualité des pratiques dans le champ de la protection de l'enfance.

Ce projet se consacre à une description de la qualité d’activités professionnelles dans le champ de la protection de l’enfance (des visites médiatisées) dans une démarche d’évaluation professionnelle.

Dans le champ de la protection de l’enfance, l’état des connaissances confronte les pratiques à plusieurs difficultés : ne pas se cantonner à une idéologie du lien tout en reconnaissant la gravité des séparations parents-enfants et des carences maternelles précoces, sortir d’une conception positiviste et substantialiste des troubles et renforcer le partenariat avec les parents sans pour autant nier l’existence de ces troubles, et prendre en compte les spécificités des pratiques du travail social tout en bénéficiant des connaissances de la psychopathologie.

Pour consolider l’élaboration de connaissances propres au champ, de nombreux travaux soulignent la nécessité de développer une analyse et une évaluation des pratiques effectives, dans toute leur complexité et singularité. Si évaluer les pratiques est reconnu comme un impératif éthique, politique et pratique, les professionnels se méfient cependant des évaluations gestionnaires en termes d’écart avec des normes de référence, qui réifient et standardisent leurs pratiques et en même temps les désaisissent de cette évaluation .

Ces revendications rejoignent les travaux en analyse du travail qui argumentent en faveur d’une participation des professionnels à la compréhension de leurs activités et remettent en question une conception de la qualité comme conformité aux prescriptions.

Notre projet s’attelle, dans la suite de ces travaux, à décrire la dimension qualitative des activités sans la réduire à une conformité aux prescriptions, mais également sans la faire découler d’une logique extérieure à l’activité (conception théorique du développement ou de la communication, logique psychanalytique). La piste explorée consiste à étudier les modes de composition des éléments de l’environnement qui interviennent en cours de déroulement de l’activité en rattachant la qualité à la logique propre de l’activité.

Pour ce faire, les visites médiatisées étant essentiellement langagières, nous nous appuierons sur une conception du langage qui place en son centre un pouvoir expérientiel et implicite, et suivrons pas à pas, dans le cours du déroulement des visites, la manière dont s’enchaînent les activités langagières des professionnels, des parents et des enfants. Nous verrons ainsi comment les professionnels travaillent à l’établissement d’un équilibre entre les différents éléments de l’environnement pour favoriser un contact entre parent et enfant. Avec la difficulté qu’interviennent également dans ces visites des éléments de la vie quotidienne (liés notamment au mal de placement) et que le dispositif des visites médiatisées tend à la fois à s’effacer et ne doit pas s’oublier (un ‘comme si’ d’une parentalité ordinaire, avec des risques de confusion, et de déni des troubles de la parentalité) En nous appuyant sur les jugements pratiques des professionnels, nous tenterons ainsi de décrire ces moments qualitatifs de contact ainsi que les agencements qui les favorisent.