Rencontre avec Sebastian Probst, chercheur spécialiste des soins de plaies

Publié le 07 avril 2025

Malgré un agenda aussi fourni que celui d’une personnalité publique, Sebastian Probst nous a fait l’honneur de partager son temps pour parler de son parcours. Ce chercheur de renom, dont l’influence rayonne à travers le monde, nous raconte son histoire et ses ambitions. Découvrez un résumé passionnant de cette rencontre, qui vous permettra d’en apprendre davantage sur cet éminent spécialiste des soins de plaies.

Est-ce que tu pourrais te présenter pour celles et ceux qui ne te connaitraient pas encore ?

Je suis professeur ordinaire spécialiste en soins de plaie à la HEdS-Genève. Je suis également professeur titulaire à la Faculté de médecine de l’Université de Genève, à l’Université de Monash en Australie, et à l’Université de Galway en Irlande.

J’ai débuté ma carrière avec une formation en Soins infirmiers à Zürich, il y a plus de trente ans. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai directement travaillé comme infirmier avec la ferme intention de poursuivre ma formation. Lorsque j’ai commencé mon master en Sciences infirmières auprès de l’Université de Bâle, j’étais vice-chef d’équipe à l’hôpital au Tessin. J’avais déjà la responsabilité de toute la partie ambulatoire du soin des plaies. À cette époque, j’ai été sollicité pour rédiger le premier standard sur les soins des plaies oncologiques. (Fun fact : je viens tout juste de publier la troisième version de ce standard). Plus tard, j’ai poursuivi un master en sciences infirmières à l’Université de Bâle, puis un doctorat à l’Université de Surrey, Guildford au Royaume-Uni, consacré aux plaies oncologiques. J’ai eu l’honneur d’être le premier Suisse à obtenir un master et un doctorat dans ce domaine. Ces études m’ont permis de mieux comprendre les besoins des patient-es atteints de plaies chroniques et de développer des stratégies pour réduire leurs symptômes tout en prévenant les récidives. J’ai ensuite réalisé un post-doctorat à la ZHAW (Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften).

Une fois mon post-doctorat terminé, j’ai rencontré Carolyn Windham White qui m’a convaincu de rejoindre la HEdS-Genève. J’ai accepté et tout est allé très vite. À mon arrivée à Genève, je me suis d’abord concentré sur le CAS en soins des plaies. J’y ai apporté mes connaissances ainsi que mon réseau et nous avons rapidement doublé le nombre de participant-es. J’ai développé un certain nombre de projets de recherche dont les résultats sont directement intégrés dans la formation bachelor et trois ans plus tard, j’ai créé une ligne de recherche en soins des plaies, qui est aujourd’hui un centre de compétence reconnu. J’ai également mis en place le cycle de conférence « Wound up to date ».

A côté de mes obligations professionnelles, j’ai assumé plusieurs rôles dans des associations professionnelles. J’ai notamment été nommé secrétaire honoraire, éditeur du Journal of Wound Management, puis président de l’EWMA (European Wound Management Association) entre 2021 et 2023. Je suis également vice-président du Wund DACH.

Qu’est-ce qui t’a décidé à orienter ta carrière dans la recherche ?

La recherche m’intéressait déjà lorsque j’étais en formation initiale. Je me demandais pourquoi certaines pratiques étaient adoptées sans que leur efficacité soit toujours prouvée, et je ne trouvais pas toujours les réponses dans mes cours. Cela m’a poussé à chercher des réponses par moi-même.

Plus tard, en tant qu’infirmier, j’étais fasciné par le fait que certains patient-es revenaient régulièrement avec des ulcères. Cette curiosité, alliée à l’envie d’améliorer leur qualité de vie, m’a naturellement guidé vers la recherche.

J’ai aussi été frappé par le manque de données scientifiques spécifiques aux soins des plaies. Beaucoup de recommandations étaient basées sur l’expérience clinique plutôt que sur des preuves solides. Cela m’a donné envie de contribuer à combler ce manque et d’apporter une approche plus rigoureuse et scientifique à ce domaine.

Un autre élément déterminant a été l’influence de mentors et de collègues passionnés. Échanger avec des chercheurs expérimentés et voir leur enthousiasme pour la découverte m’a convaincu que je voulais moi aussi jouer un rôle dans l’évolution des pratiques de soins.

 Enfin, je suis convaincu que la recherche est le moteur du progrès en santé. Sans innovation et sans validation scientifique, nous risquons de stagner et de ne pas offrir aux patient-es les meilleures solutions possibles. Cette volonté de faire avancer les connaissances et d’améliorer concrètement la prise en charge des plaies a été une motivation centrale dans mon choix de carrière.

 

Qu’est-ce qui te plait le plus dans la recherche ?

Tout le processus de la recherche passionne. Par exemple, j’aime l’adrénaline du moment où l’on soumet un projet pour obtenir un financement. Mais ce qui est encore plus gratifiant, c’est de voir les résultats de mes travaux directement intégrés dans les cursus de formation bachelor ou continue. J’ai aussi beaucoup de plaisir à suivre des jeunes chercheuses et chercheurs. J’ai envie d’encourager la relève à faire de la recherche parce que sans cela, nous ne pouvons pas améliorer les pratiques.

Ce qui me motive également, c’est l’impact concret que la recherche peut avoir sur la vie des patient-es. Savoir que mes travaux peuvent améliorer les soins, réduire la douleur et augmenter la qualité de vie des personnes atteintes de plaies chroniques est une source immense de satisfaction.

J’aime aussi l’aspect collaboratif de la recherche. Travailler avec des équipes multidisciplinaires, échanger avec des experts de divers horizons et apprendre de nouvelles perspectives est extrêmement enrichissant. La science ne se fait jamais seul, et c’est cette dynamique d’échange qui me stimule au quotidien.

 Enfin, la recherche permet d’innover et d’anticiper les défis futurs. Nous avons aujourd’hui des problématiques comme la résistance aux antibiotiques ou le vieillissement de la population, et la recherche est un moyen d’apporter des solutions à ces défis avant qu’ils ne deviennent critiques. Contribuer à façonner l’avenir du soin des plaies est une véritable motivation pour moi.

 

Quels sont tes objectifs à moyen et long terme ?

Je vais continuer mes recherches, agrandir encore mon réseau, donner des conférences et continuer à publier. D’ailleurs, j’ai un livre qui sort bientôt, ce qui représente une nouvelle étape importante pour moi. Une chose est certaine : je ne compte pas arrêter la recherche. Un de mes objectifs est aussi de renforcer la collaboration entre les chercheurs et les cliniciens, afin que les découvertes scientifiques puissent être appliquées plus rapidement dans la pratique. Trop souvent, il y a un décalage entre la recherche et le terrain, et j’aimerais contribuer à réduire cet écart.

De plus, je veux encourager les nouvelles générations à s’impliquer dans ce domaine en rendant la recherche plus accessible et attrayante pour les jeunes professionnel-les. J’aimerais également développer de nouveaux outils pédagogiques et numériques pour faciliter l’apprentissage et l’application des connaissances en soins des plaies.

 

Quels conseils donnerais-tu à une future chercheuse ou un futur chercheur ?

Ayez des ambitions réalistes et entourez-vous de mentors expérimentés. Un bon soutien fait toute la différence dans un parcours de recherche. Sachez que l’obtention du bachelor n’est qu’une première étape lorsqu’on s’intéresse à la recherche. Mais c’est un chemin passionnant, riche en découvertes et en opportunités. Il est essentiel de développer un esprit critique et une curiosité scientifique. Ne prenez jamais une information pour acquise, posez des questions et cherchez à comprendre les fondements de chaque concept. C’est cette curiosité qui vous permettra de faire avancer la science.

La persévérance est également cruciale. La recherche est un domaine où les refus et les échecs font partie du processus. Il faut apprendre à voir ces obstacles comme des opportunités d’amélioration et non comme des échecs définitifs.

Enfin, travaillez votre capacité à communiquer. Être un bon chercheur ne signifie pas seulement produire des résultats, mais aussi savoir les partager et les défendre auprès de la communauté scientifique et du grand public. Une recherche bien expliquée et bien vulgarisée a plus d’impact et permet une meilleure adoption des nouvelles pratiques.