Travail social et citoyenneté dans la gouvernance urbaine. Trois projets d'intervention adressés aux Roms dans trois villes européennes.

Le présent projet interroge la contribution du travail social dans le renouvellement de la citoyenneté et de la participation politique des personnes et des groupes fortement marginalisées. Echappant en grande partie à la prise en charge standard de l'Etat social et de la société civile, ce renouvellement émerge dans des situations sociales complexes sollicitant des contributions originales de ces deux types d'acteurs classiquement décrits comme centraux dans les régimes démocratiques. Parmi ces situations complexes, nous avons choisi l'exemple des Roms migrants dans l'Europe occidentale qui révèlent une réalité tout particulièrement pertinente dans le cadre de la présente enquête.

En effet, les Roms, en provenance des pays d'Europe de l'Est (certain-e-s formellement citoyen-ne-s de l'Union Européenne, d'autres extra-communautaires) sont de fait exclu-e-s des formes standard de la citoyenneté (politique, civique, sociale). Déployé depuis bientôt trente ans, le cadre européen de la politique dite « d'inclusion et de réduction des inégalités » a eu très peu d'impact sur la situation de marginalité politique, sociale et économique vécue par une grande majorité de Roms. La plupart des enjeux de gouvernance de ces populations en Europe Occidentale, où elles se retrouvent comme allochtones (malgré une certaine présence d'origine romani depuis la fin du 19ème siècle), se situe sur le territoire urbain, dans le cadre d'objectifs sécuritaires corrélés à des stratégies d'éloignement de l'espace public, urbain et/ou national. Ainsi, ces groupes de population représentent un défi pour l'ensemble des politiques publiques contemporaines.

La recherche portera sur les caractéristiques, les avancés, les obstacles, les contradictions et les ambiguïtés du TS auprès des Roms migrants dans trois villes européennes (Genève, Naples et Lyon). Elle enquêtera sur des projets de soutien à l'inclusion des populations rom engageant le travail social. En même temps, la recherche documentera la complexité des articulations entre l'Etat (avec ses différentes instances et niveaux) et la société civile, en utilisant comme révélateur ce cas particulier du travail social avec les Roms. L'objectif est celui de comprendre et analyser dans les contextes nationaux et locaux respectifs la capacité qu'ont les différents dispositifs du travail social, à créer un levier politique de véritable inclusion sociale pour ces populations. La méthodologie de recherche est centrée sur l'outillage de l'enquête ethnographique. Basée principalement sur l'observation, la collecte de données inclura aussi l'analyse

de documents et la réalisation d'entretiens semi-directifs avec les acteurs locaux des projets. Nous souhaitons axer notre recherche sur des exemples concrets pour mettre en évidence des formes originales d'agentivité du travail social, qui pourraient être vues à la fois comme des innovations professionnelles et comme levier de la réinvention du dialogue démocratique, là où les moyens classiques employés par les politiques publiques et les instances de participation citoyenne se révèlent insuffisants. Par la comparaison des rapports existants entre les structures étatiques et associatives dans les cas retenus, on étudiera comment les diverses configurations du travail social mis en oeuvre favorisent des formes d'inclusion citoyenne « par le bas ». Nous souhaitons inscrire notre recherche dans le sillage des questionnements portant sur l'exploration des niches de participation politique et de redéfinition de la citoyenneté, à la lumière des transformations de l'espace européen sous l'impact des migrations contemporaines et des capacités de la démocratie à se renouveler.

Des visées plus appliquées de la recherche concernent son apport à la réflexion des acteurs locaux en charge de ces projets (destinés aux Roms, mais aussi à d'autres populations souffrant d'exclusion comme les jeunes des quartiers dits `sensibles', les mineur-e-s non-accompagné-e-s requérant-e-s d'asile, les débouté-e-s, les personnes dépendant des substances psychotropes, les travailleuses et travailleurs de sexe victimes de traite des êtres humains, etc.) ou à celle d'autres acteurs concernés. Toujours comme visée appliquée, les résultats de la recherche alimenteront des modules de formation destinés aux professionnel-le-s du social, dont nous sommes en charge par nos fonctions respectives, à l'intérieur de HES-SO