Apprentissage et innovation dans les réseaux d'aide et de soins à domicile. Allemagne, Ecosse et Suisse : Le cas des démences

2012 - 2015 - Terminé

Barbara Lucas (HETS), Olivier Giraud (Centre Marc Bloch, CNRS, Paris), Suzan Kümper (WZB, Berlin)

Cette recherche traite des trajectoires locales de l’innovation sociale dans le domaine de l'aide et des soins à domicile pour les personnes atteintes de démences et leurs proches. Sont considérés comme innovantes les améliorations dans l’aide et les soins apportées au niveau local, au regard du contexte national. Ces innovations peuvent concerner la gouvernance, la diversité des prestations, la qualité des prestations ou la participation des bénéficiaires. Ces quatre domaines sont traversés, dans la littérature internationale, par une même tension entre d’un côté une critique sociale des prestations de l'Etat social classique et de l’autre, une norme de rationalisation libérale de ces prestations (voir aussi Giraud, Lucas and al. 2014).

L’analyse comparative porte sur la manière dont ces tensions se transposent et, le cas échéant s’exacerbent ou se résorbent par le biais de l’innovation locale. Trois innovations sociales ont été retenues en Allemagne, en Ecosse et en Suisse. En Allemagne, la commune de Ahlen, qui a mené une politique continue d'ouverture des services d'aide et de soins aux personnes atteintes de démence en direction des personnes issues de l'immigration. En Écosse, nous avons reconstitué la trajectoire de développement d’une offre de soutien postdiagnostic pour les personnes nouvellement diagnostiquées et leurs familles, introduite dans les districts du Renfrewshire et du East Renfrewshire. En Suisse, le cas retenu est le service de relève pour les proches aidants « Alzamis », initié de manière informelle et à petite échelle avant que d’intégrer le plan cantonal Alzheimer en 2010.

La recherche confirme que la dynamique d’innovation, ancrée dans le régime d’action publique local dépend de la manière dont les acteurs donnent sens aux différents discours disponibles et parviennent à mobiliser des ressources à des échelles différentes. Deux types d’expertises contribuent à la genèse d’une innovation : l’expertise de terrain et l’expertise spécialisée en matière de démence. Par ailleurs, l’innovation locale se formule toujours en référence répertoires régionaux ou nationaux dans le domaine, confirmant son caractère interscalaire. Durant la phase de diffusion de l’innovation, des coalitions d’acteurs originales ont été identifiées, générant de nouvelles lignes de tensions. Enfin, dans sa phase d’institutionnalisation, le discours innovant fait l’objet d’une normalisation. Il s’agit ici d’une «normalisation-stabilisation» qui maintient l’ancrage social du projet, même sa radicalité critique originelle est affaiblie. Pour autant, la recherche pointe le risque d’une «normalisation-instrumentalisation» de l’innovation et identifie des trajectoires de «normalisation-généralisation», au cours desquelles l’innovation dans le domaine spécifique des démences sert de levier à des transformations à une échelle plus large.