Animer la ville, affecter les corps, incarner les projets : pour une critique du « nouvel esprit de l’urbanisme »

Une conférence de Laurent Matthey, Université de Genève

Alors que la recherche urbaine a beaucoup insisté sur la manière dont – concurremment aux tournants (communicationnel, narratif, participatif et enfin sensible) qui ont affecté la discipline depuis les années 1980 – un urbanisme de l’événement émergeait qui mettait en images et en intrigues les projets urbains, elle s’est peu intéressée à la dimension expérientielle des dispositifs matériels éphémères produits pour faire parler (au sens large) des projets. 

Or, on pourrait faire l’hypothèse que le « nouvel esprit de l’urbanisme » – né de l’intégration des principales critiques formulées à l’encontre de cette techno-politique qui a émergé au XIXe siècle pour ordonner le désordre urbain – est aussi une des modalités d’action sur l’expérience subjective de la ville. Il s’agit d’une manière de se saisir des corps, qui permet de travailler tout autant les affects, que les modes de connaissance de l’urbain. On pourrait, en somme, faire l’hypothèse que certains des modes de communication des projets urbains sont autant des supports d’information, concertation ou participation que des instruments d’une technologie de l’attention aspirant à un « alignement » avec un projet politique spécifique, selon que l’on incite les citadins, soit à incorporer un projet en devenir, soit à se projeter dans un futur déjà écrit. 

Cheminant dans une littérature spécifiquement consacrée aux renouvellements de la communication de projets urbains d’une part, aux technologies de l’attention d’autre part, mobilisant également des fragments de terrains récents, cette intervention souhaite surtout participer à l’élaboration conjointe (prenez vos Post-it®) d’un programme de recherche sur les modalités contemporaines de l’urbanisme.

>> Conférence dans le cadre du cycle de conférences "Les Urbanités" des Midis de la recherche de la HETS. Le Centre de recherches sociales (CERES) de l'école propose chaque année un cycle de conférences sur un thématique d'actualité. Chaque conférence est publique, gratuite et sans inscriptions.

LES URBANITES

Ce cycle de conférences se propose d’analyser les caractéristiques polymorphes de l’espace urbain, tout en prenant en compte l’habiter et l’habitabilité des territoires qui le composent. Trois axes font oeuvre de fil conducteur à ces pérégrinations :

• « Les clés de la ville » invite à réfléchir aux métamorphoses et permanences des espaces en observant notamment leurs fonctions d’agrégation ou de ségrégation, les divers seuils, limites, invitations rencontrés en les traversant.
• « L’intervention sociale située » s’intéresse aux actions des professionnel-les du travail social, aux logiques d’emplacement et de déplacement des dispositifs d’accueil, au débordement de leurs démarcations architecturales ainsi qu’à leurs effets habilitants ou non.
• « Les publics relégués de l’espace d’intervention sociale » considère les « publics cibles » des politiques sociales, interrogeant leur visibilité, leur mobilité, les frontières visibles ou invisibles derrière lesquelles ils restent parfois interdits.