Penser la mobilité sociale à travers la vocation artistique : le cas des danseurs

Mardi 24 novembre 2015 12h30 - 13h45 HETS, 28, rue Prévost-MartinSalle A006, case postale 80, 1211 Genève 4, GE, Suisse
Conférence

Pierre-Emmanuel Sorignet, maitre de conférence à l'université Toulouse III, professeur de sociologie spécialisé dans l'enquête ethnographique à l'université de Lausanne (UNIL).

Ce papier s’appuie sur une ethnographie de longue durée auprès de danseurs contemporains, notamment des entretiens répétés avec les enquêtés, parfois sur près de quinze ans, et pour certains avec différents membres de leur entourage (parents, conjoints, fratrie, amis proches). Il s’agit de réfléchir aux conditions sociales de possibilité à la vocation artistique de danseurs contemporains d’origine populaire mais aussi à la façon dont celles-ci se recomposent tout au long du cycle de vie jusqu’à la sortie du métier. L’évolution de la politique culturelle sous tendra l’analyse de ces trajectoires singulières en les réinsérant dans un espace des possibles, ne serait ce que la constitution d’un marché du travail de la danse contemporaine inexistant en tant que tel avant les années Lang. L’attention sera portée ici sur les ressources qui sous-tendent des trajectoires atypiques de mobilité sociale, d’autant plus fragiles qu’elles sont réversibles. Dans ce cadre, on fait l’hypothèse que le capital corporel (technique du corps, capital beauté, etc) constitue une variation du capital culturel qui ne remet pas en cause les hiérarchies sociales. On examinera en détail les effets de la mobilité ascendante sur le choix du conjoint, l’orientation sexuée et sexuelle, le style de vie (loisirs, lieu d'habitation etc.).On prolongera l’analyse sur les formes de politisation que prend l’insertion dans un métier caractérisé par son fort coefficient en capital culturel, tant dans les orientations politiques de certains des enquêtés que dans l’investissement militant lié à la défense du statut d’artiste. On s’intéressera, en particulier, au moment de la sortie du métier de danseur, moment critique – où surgit le risque potentiel d’une rupture de la pente des trajectoires – dans ces carrières de danseurs. L’analyse de récits de vie répétés, sur le temps long, permettra de donner à voir un pan largement invisible des trajectoires qui nous intéressent : celui de la mobilité en train de se faire, de son expérience intime par les danseurs qui perçoivent bien souvent leur ascension comme très fragile, parfois illégitime (notamment chez les moins diplômés) marquée par des doutes et une modification de l’horizon des possibles au moment des reclassements, autant d’aspect insaisissables par les statistiques.