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Jean-Pierre Greff – Avant-propos
Jean-Pierre Greff, directeur de la HEAD – Genève, revient sur la fondation du projet transdisciplinaire de l'école, et du colloque AC /DC (art contemporain / design contemporain) qui l'avait marquée en 2007. Dix ans plus tard, il considère Histoires d'un futur proche comme une manière de propulser ce projet vers de nouveaux horizons de pensée, alors même que nous sommes plongés dans une crise systémique qui obstrue l'avenir.
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Mark Wigley
L’architecte et théoricien du design Mark Wigley s’engage dans une réévaluation de la notion de design pour exhumer certains traits qui ont amené l’humanité à designer sa propre extinction. Se fondant sur une approche évolutionniste, de Darwin au théoricien des médias Marshall McLuhan, Wigley part du postulat que les innovations technologiques déterminent l’évolution des corps. Les silex bivalves ont transformé la main des primates grimpeurs en humains lanceurs de pierres à travers la sélection naturelle. Nos appareils contemporains nous façonnent et nous re-designent à leur tour. La stupéfaction dans laquelle nous plonge le présent nous empêche de saisir le véritable impact des technologies. Le désastre écologique actuel tient à la capacité sans limite de l’humanité d’inventer de nouvelles formes couplée à son inhabilité à évaluer leur incidence. Wigley plaide pour une approche du design qui procède, comme la marche à pied, d’un mouvement en arrière nécessaire à la propulsion vers l’avant. Un design ambitieux ne doit, selon lui, pas fournir au monde les objets qu’il réclame, mais déconstruire par un regard rétrospectif les formes qui préexistent et dépassent notre conscience, y compris les objets complexes comme le changement climatique ou le réseau global de communication. -
Le peuple qui manque – Extension du régime potentiel
« On a pu décrire nos temps comme ceux des années d’hiver – une ère de glaciation des possibilités. Face à cette crise de l’avenir que traverse notre début de 21ème siècle, les Impatients sont ceux qui œuvrent à un mouvement de reconstruction de l’avenir, des avenirs. Ils sont ceux qui portent en eux cette impatience à l’égard d’une Histoire qui semble désormais immobile, arrêtée. Depuis cette crise du futur, cette série surgit alors, pour nous, de l’urgence de retrouver des possibilités pour l’avenir. Nous partons en quête de traces, d’indices d’avenirs possibles que nous collectons et rassemblons. Ces salves d’avenir, dont de nombreux artistes et penseurs témoignent aujourd’hui, nous cherchons à les coudre ensemble. Nous pensons cette enquête en rhapsodes – le rhapsode, cet arpenteur qui va de ville de ville, pour dire les poèmes des autres, ce chercheur, cet agent de liaison qui, au sens premier du mot, a soucis de coudre, de lier les espaces les uns aux autres, continûment, jusqu’aux limites du monde habité." KQ & AI -
Liam Young – Hello City!
Les technologies numériques remodèlent radicalement notre perception et notre occupation des villes. Joignez-vous à l'architecte spéculatif Liam Young et son système d'exploitation urbain intelligent pour faire une visite, en taxi sans chauffeur, à travers un réseau de systèmes logiciels, d'infrastructures autonomes, d'architectures fantômes, d'anomalies, de pépins et de lutins à la recherche de la nature au-delà de la machine. La conférence est un voyage audio-visuel dans une ville située entre le présent et le futur, le réel et l'imaginaire, assemblée à partir de fragments de paysages réels et de fictions urbaines. -
Mathieu Triclot – Le monde cybernétique est-il advenu?
La cybernétique est un mouvement scientifique qui a produit l’un des discours d’accompagnement les plus puissants de la révolution technologique de l’informatique et des télécommunications, dans l’après seconde guerre mondiale aux États-Unis. Or, tout se passe aujourd’hui comme si le monde projeté par la cybernétique avait fini par advenir, avec quelques soixante ans de décalage : un monde gouverné par l’informatique et les réseaux, où machines à apprentissage et réseaux de neurones sortent des laboratoires et entrent en société, où l’Intelligence Artificielle nourrie aux Big Data pose la question de la péremption du travail humain, où les algorithmes tiennent lieux de « machines à gouverner ». -
Marguerite Humeau – Riddles
Les projets de Marguerite Humeau visent à ressusciter, réactiver, recréer des créatures, des êtres, des écosystèmes, des voix, des situations préhistoriques, éteintes, disparues. Ces situations sont inaccessibles temporellement et géographiquement. Récemment, elle a conçu le projet RIDDLES (énigmes) qui a donné lieu à cinq expositions. Présent dans presque toutes les civilisations sous la forme hybride homme/lion/vautour ou sous d'autres variantes, le sphinx a toujours la même fonction: il protège les humains contre des ennemis potentiels, et en les protégeant il les dévore – le sphinx dans la mythologie grecque dévore les humains qui ne peuvent pas répondre à son énigme. L'artiste a essayé de retrouver les formes de sphinx contemporaines et émis l’hypothèse que le sphinx pourrait être l’ancêtre biologique direct des protocoles de sécurité d’aujourd’hui comme les portes de sécurité dans les aéroports: elles nous protègent, mais en nous protégeant nous dévorent d’une manière beaucoup plus abstraite, plus opaque, mais ce sont bien les mêmes protocoles qui perdurent à travers le temps et l’espace. -
Mathieu Lehanneur
D'un prêtre à une marque de champagne, le designer Mathieu Lehanneur embarque son assistance dans un travelogue à travers ses projets et les souhaits de ses commanditaires. Il en ressort qu'au-delà de la technologie de pointe dont il fait considérablement usage, son travail passe par la compréhension de pulsions et de besoins humains primordiaux: la griserie de la vitesse, les rythmes circadiens ou encore le souci de protection maternel. -
Baptiste Morizot et Nastassja Martin – Retour du temps du mythe
Peut-on imaginer d'autres relations envers le vivant que celles dont l'Occident hérite ? Les modes de relations qui sont les nôtres, entre exploitation et protection, recèlent une fondamentale asymétrie entre nous et eux. Peut-on imaginer et activer des relations qui simultanément reconnaissent notre étrangeté d'animal humain, mais sans en faire le lieu d'une fracture qui nous condamne à des rapports "naturels" avec les êtres de nature ? -
Marie Velardi
Terre-Mer est un projet en cours qui s’intéresse au déplacement du trait de côte dans le temps, passé et à venir, et aux relations entre la terre et la mer. Il fait suite à différentes expériences de terrain menées par Marie Velardi, en France, en Ecosse, en Inde, en Thaïlande, en Italie, et aux Pays-Bas. A partir de rencontres et discussions avec des habitants de Terre-Mer, questionnant les conditions de vie avec la mer, et comment les humains vivent avec l’incertain et l’aléa, elle a écrit la Lettre de Terre-Mer. Ce projet conduit également à d’autres réalisations, comme des dessins cartographiques représentant les zones de Terre-Mer, à l’aquarelle : Là où la mer a été par le passé, et où elle pourrait revenir, liant la mémoire du territoire par le biais de cartes historiques anciennes, et des simulations de future montée des eaux. Cette manière de représenter le territoire ne correspond pas à la distinction habituelle entre la terre et la mer par le trait de côte: Dans ces dessins le trait de côte s’épaissit, et devient l’entre-deux, la zone de relation et d’échange entre la terre et la mer, où le passé pourrait rejoindre les avenirs possibles. -
Oliver Ressler – Gathering around the Wreckage
Il n'y a pas si longtemps, le réchauffement climatique était encore de la science-fiction. Maintenant, c'est devenu une science exacte, et une réalité dans laquelle nous vivons déjà. Selon le Copernicus Climate Change Service, la température moyenne mondiale en 2016 atteignait près de 1,5 ° C au-dessus des niveaux pré-industriels. De nombreux·ses scientifiques voient cela comme la "ligne rouge" au-delà de laquelle le réchauffement climatique sera imparable et incontrôlable. Dans sa présentation, Oliver Ressler parle d'un nouveau cycle de films qui pourrait s'avérer être une histoire du début de la révolution climatique, le moment où la résistance populaire a commencé à reconfigurer le monde. Le projet suit le mouvement climatique dans ses luttes pour démanteler un système économique fortement dépendant des énergies fossiles. Il enregistre les événements clés du mouvement climatique, rassemblant de nombreuses situations, contextes, voix et expériences. Les deux premiers événements – un film pour chacun d’entre eux est présenté – sont l'action lors du sommet de la COP21 à Paris en décembre 2015 et le blocus d'un site d'extraction de combustibles fossiles en Allemagne en mai 2016. -
Metahaven – Appartenance complexe
Question d’appartenance complexe : qu’en est-il de la transformation profonde de la condition humaine ? Les récits du post-anthropocène portent (toujours, bien sûr) sur de nouvelles inégalités, de chanteurs pop holographiques, d’ouvriers d’usine anonymes. De dorloteur vs dorloté à visualiseur vs visualisé. Les visualisations ont 21 ans. « The future is a stranger ». (Oui !) L’appartenance complexe pose la question de la longévité des relations et des moyens de subsistance en vigueur. Comment l’enfant vous l’explique-t-il ? Où est-ce que tout le monde s’en va ? Et si on vous retire l’emploi de notre langue, que se passe-t-il ? Mission: Essayez de construire des phrases au sujet de notre monde, sans vous servir des mots smartphone, Internet, parc de serveur, IA, drone, etc. Ce n’est pas évident, mais il est important d’introduire de nouveaux, et de meilleurs mots pour décrire notre vie faite de contradictions et d’objets, entre autres. Racontez des histoires ! Science-fiction du quotidien. Monachisme digital. C'est parti. -
Jussi Parikka – Certaines personnes disent ne pas s'inquiéter de l'air
Cette présentation parle de l'air et du manque d'air. L'air est plein d'azote, d'oxygène, de lumière, de nuages, de vent, de pollution, d'ondes radio, d'avions, de satellites, de signaux, de poussière, d'oiseaux et plus encore. -
Vanessa Lorenzo Toquero – Inhabiting the Toxic Jungle
La plupart des interactions entre les êtres humains et la Terre sont médiatisées par des objets technologiques, souvent influencées par un dualisme qui sépare la nature de la culture. Ces objets filtrent un large éventail de données provenant d'événements qui traversent des sphères (biosphère, lithosphère, ionosphère, sémiosphère, technosphère, etc.). Cette approche partielle de notre environnement hante notre perception et demande de nouveaux modes d'abstraction pour déchiffrer les secrets d'un changement global. En explorant la contribution possible des êtres vivants aux systèmes médiatiques, nous construisons un terrain commun qui permet l'équité en considérant les autres habitant·e·s au même niveau pour raconter des histoires au sujet de notre planète: des citoyen·ne·s avec une mémoire, des capacités de détection et le poids politique qui pourrait influencer la politique et nous aider à créer des formes de collaboration. Quel serait le dialogue entre un OGM doté de capacités de détection et un artefact toxique ? Est-ce que les champignons et les bactéries pourraient diffuser des données pour cartographier les techno-géographies de nos sites endommagés ? La mousse pourrait-elle nous donner des information sur l'anthropocène ? En nous appropriant les technologies et les protocoles scientifiques, nous pourrions créer de nouvelles écologies qui nous conduiraient vers des futurs alternatifs. -
Kodwo Eshun – La science-fiction de Kojo Bernard Laing à partir de l'an 2020
Major Gentl and the Achimota Wars, le troisième roman du romancier et poète ghanéen Kojo Bernard Laing, est l’œuvre de science-fiction la plus conséquente écrite à ce jour où l'avenir du continent africain est le terrain et l'enjeu des forces belligérantes. Situé en l'an 2020, Major Gentl and the Achimota Wars raconte le droit d'inventer l'avenir comme une guerre pour et sur l'existence future du continent. La vision antagoniste de Laing sur l’an 2020 pose des problèmes et des possibilités pour la pensée future des devenirs de la science-fiction. De quelle manière la science-fiction de Laing à propos de l’an 2020 met-elle sous pression les prédicats qui soutiennent les futurs racontés par les fictions de la science? -
Khalil Joreige – Unconformities
Khalil Joreige présente son dernier projet, Unconformities, réalisé avec Joana Hadjithomas, qui joue sur les temporalités et confronte l'idée de la ville avec ses histoires complexes d'habitation. Le duo crée des œuvres issues de forages, qui révèlent et figent les mondes souterrains de Paris, d'Athènes et de Beyrouth: trois villes omniprésentes dans leur imaginaire personnel. Récupérés des chantiers de construction qui les mettent au rebut après utilisation, ces forages mettent en évidence leurs "discordances" – ruptures temporelles, catastrophes naturelles, mouvements géologiques – et révèlent la construction comme un processus cyclique, caractéristique déterminante des civilisations passées et présentes. L'histoire n'apparaît pas comme des couches mais comme des actions, une sorte de palimpseste mêlant des époques et des civilisations. Ces recompositions poétiques interrogent les formes dominantes de narration et de représentation de l'histoire, mais abordent aussi les débats autour de l'Anthropocène. Hadjithomas et Joreige ont présenté Unconformities au Centre Pompidou à Paris après leur nomination pour le Prix Marcel Duchamp, qu'ils ont remporté. -
J. G. Biberkopf – Mechanics of Overflow
Le travail de J. G. Biberkopf (Gediminas Žygus) porte sur les liens paradoxaux entre la musique club et la musique artistique. Il crée un collage sonore dont les influences sont la dark ecology, les études sonores, l’architecture, les théories des médias, les mouvements existentialistes, le théâtre post-dramatique, le grime ou encore la musique concrète. Ses performances live sont le reflet de sa pratique musicale dont l’envie est de faire de la musique une écologie "autosuffisante" qui ne lui est pas attribuée en tant que créateur, mais qui semble plutôt provenir d'un paysage existant. Dans cette perspective, il travaille sur les signifiants sonores pour explorer la sémiotique du son. -
Kevin Slavin
Kevin Slavin travaille à la jonction de la science et de l’art. Sa présentation consiste en une introduction au champ d’investigation émergent de la « métagénomique urbaine ». La réduction des coûts de séquençage d’ADN ouvre de nouvelles perspectives pour cartographier le microbiote non-humain qui compose et hybride nos corps et nos environnements. Kevin Slavin met en évidence la poésie de ce paysage bactérien insoupçonné. -
Cécile B. Evans – Feeling for you
Feeling For You est une conférence performative évolutive, constamment mise à jour, qui transforme la pratique de l'artiste en une série d'anecdotes personnelles, de recherches Google, d'images, de réactions du public et de clips vidéo. Retraversant les dernières années du travail d’Evans, sa proposition artistique suit la même logique « hyperliée » utilisée dans des projets récents comme Hyperlinks, It did not Happen ou AGNES. En abordant l’impact du développement technologique et les fortes réactions en boucle qui se créent au sein de la société, Cécile B. Evans saisit l’occasion de remettre en question ses dernières années de son propre travail, notamment des projets tels que Spung A Leak, What the Heart Wants et Amos World. -
Michael Hansmeyer
À partir d’exemples de « grottes » qu’il a créées, notamment pour une exposition au Centre Pompidou, l’architecte Michael Hansmeyer explique comment la programmation algorithmique permet d’atteindre une complexité inégalée en architecture. La division de formes géométriques simples en unités toujours plus petites génère des structures baroques qui sont réalisées en impression 3D. Cette délégation du dessin à l’ordinateur soulève la question de l’auteur de telles structures dont le niveau de détail défie l’imagination humaine. -
Korakrit Arunanondchai
« Trouverez-vous la beauté dans cette mer de données ? » Une question posée par l'artiste, qui englobe la réalité intense du présent, tandis qu'Arunanondchai nous présente sa grand-mère qui part dans la démence : « Dans ce corps les données sont vivantes mais coincées dans une boucle, le présent n’existe plus pour moi ». Le film de Korakrit Arunanondchai Painting with history in a room filled with people with funny names 4 explore des thèmes universels tels que le passé et le présent, le futur et le passé, l'humain et l'animal, la mémoire et la technologie, la vie et la mort. Annie Godfrey-Larmon -
Yves Citton – Carbon Liberation Front vs. Carbon Copy Conspiracy
Nous répétons que nous vivons dans un monde de « données » (data), en oubliant souvent qu’elles résultent toutes de « prises » (capta). Le rôle conjoint des artistes et des scientifiques pourrait bien être désormais de sur-prendre la façon dont les programmes gèrent la capture et le traitement des entre-prises dont se nourrissent les modèles économiques dominants. De quels types de sur-prises les gestes artistiques contemporains nous donnent-ils le modèle ? Quelle valeur politique pouvons-nous en tirer ? Cette intervention sollicitera la riche pensée de Vilém Flusser pour cadrer les enjeux de ce qui se joue entre nos gestes humains et les appareils programmés qui constituent désormais notre environnement de travail et de vie. Il ne s’agira ni de prôner une retraite de déprogrammation, loin des emprises néfastes et totalitaires de la programmation, ni de se contenter de reprogrammer (un peu mieux) les algorithmes de la computation ubiquitaire. L’enjeu semble plutôt consister à sur-prendre ce qui nous prend, sans prétendre pour autant lui échapper, mais en espérant faire dévier le cours des inéluctables entre-prises qui trament notre quotidien et notre avenir. -
Lauren Huret – Les âmes suspendues
Entièrement réalisée avec un smartphone et une application de reconnaissance faciale, la vidéo est composée d'une collection de tentatives de remplacements identitaires et d’échanges inattendus entre visages/objets. En quête d'apparitions spectrales dans des contextes variés, l'application essaie de reconnaître les traits du visage d’une femme sur tout ce qui lui ressemble et y superpose ses propres masques étirés, vides, inquiétants. Les résultats vidéos obtenus sont des sortes de « paréidolies algorithmiques » hallucinatoires. -
Dan Hill
Uber (le service de taxi) fait exploser le trafic automobile dans les villes et extrait des ressources et des profits qui sortent des territoires exploités pour s'accumuler dans la Silicon Valley. Cet exemple témoigne des risques de la technologie en milieu urbain lorsqu'elle est l'apanage de grandes corporations. Les véhicules autonomes promettent des disruptions négatives encore plus brutales. Le designer et urbaniste Dan Hill plaide pour une réappropriation de la technologie à travers des formes de planification modestes, adaptables, sur petites échelles et qui s'inspire du modèle des coopératives. -
Aimée Mullins
Aimée Mullins est une athlète olympique, une modèle avant-gardiste, une personnalité clé du design technologique et une actrice. Née sans fibula, elle a été amputée sous le genou à l'âge d'un an et a appris à marcher avec des prothèses. Elle a fait partie des trois étudiantes sélectionnées pour une bourse académique du Département de la Défense et à 17 ans elle est devenue la plus jeune personne à détenir une autorisation d’accès au Pentagone. Pendant son séjour à Georgetown, elle est devenue la première femme amputée à participer à la National Collegiate Athletic Association (NCAA) et elle a joué un rôle déterminant dans la conception de prothèses en fibre de carbone inspirées du guépard, devenues maintenant la norme internationale pour les coureurs et coureuses amputé.e.s. Elle a été détentrice des records du monde au 100m, au 200m et au saut en longueur. Mullins a fait ses débuts sur les podiums pour Alexander McQueen, devenant sa muse, tout comme celle de l’artiste Matthew Barney. En tant qu'actrice, elle apparaît actuellement dans la série Netflix primée, Stranger Things. Elle dialogue ici avec Jill Gasparina. -
Olaf Blanke
La technologie robotique et haptique moderne, sous forme de robotique chirurgicale, de prothèse et de robotique de réadaptation, a été largement appliquée pour l'amélioration des procédures chirurgicales, l'apprentissage de nouvelles capacités et la restauration des fonctions sensorimotrices perdues. Des progrès sans précédent ont également été faits en neuroscience et particulièrement dans la compréhension du cerveau humain. Ce travail a permis de découvrir la structure et les fonctions du cerveau, y compris les processus neuronaux et les réseaux qui définissent comment le corps est représenté dans le cerveau et comment ces mécanismes du cerveau permettent la conscience humaine et le soi. Je présenterai d'abord nos récents travaux en psychologie, neurosciences et technologies numériques (réalité virtuelle) qui ont lié la conscience et le soi au traitement des signaux corporels par des processus neuronaux spécifiques. Ensuite, je montrerai comment ces connaissances scientifiques, si elles sont liées à l'expertise technique en robotique et en réalité virtuelle, peuvent être appliquées à la conception de membres bioniques puissants, de la robotique aéronautique et de la médecine. Je conclurai en esquissant le futur de l'intégration complète des technologies numériques avec les neurosciences et la robotique afin de développer ce que je propose d'appeler l'expérience de l'ingénierie du corps et du soi. -
Thomas Thwaites – Prendre des vacances de sa condition d’être humain
Ne serait-il pas agréable de prendre des vacances d'être un humain? Des vacances de l'angoisse existentielle, de l'inquiétude et du stress de la vie en tant qu'être mortel et conscient de sa propre condition. Ne serait-il pas agréable de pouvoir profiter de l'herbe verte fraîche, de galoper à travers le paysage, d'être libéré du temps? Oui. J'ai donc essayé de devenir une chèvre pour échapper à l'angoisse inhérente à l'être humain. Le projet est devenu une exploration de la façon dont la technologie moderne peut nous mener très près de l'accomplissement d'un rêve humain ancien: revêtir les caractéristiques des autres animaux. Mais plus que la férocité d'un ours ou la perspective d'un oiseau, la caractéristique la plus utile dans la vie moderne réside peut-être dans la capacité à vivre le moment présent. Quoi qu'il en soit, je me suis retrouvé dans une ferme dans les Alpes, à quatre pattes, une prothèse de panse attachée à la poitrine, à manger de l'herbe et essayant de devenir une chèvre. -
Ying Gao
Deux robes, nommées « Can’t » et « Won’t », dont l'esthétique et les mouvements rappellent la vie microbienne, réagissant au système de reconnaissance d’expression faciale, cessent de s’animer dès que le visage de celui qui les contemple sort de l’immobilisme. Paradoxe. Les robes « Can’t » et « Won’t » poussent un peu plus loin la notion de la fausse neutralité, exigeant du spectateur, habituellement hyper sollicité, réactif et expressif, qu’il adopte une posture de retenue absolue. C’est à cette condition seule que se prolonge la « vie » du vêtement, son mouvement étant déjà amorcé avant l’apparition du visiteur : un appel à l’humilité en rupture de ton avec la société d’hyperexpressivité dans laquelle nous évoluons. Partie prenante d’un système « vivant » par défaut, le spectateur devient alors composante d’un écosystème qui s’auto-génère, comme suggère le philosophe français Edgar Morin dans La Méthode, La Vie de la vie : « l’auto-éco-organisation signale la multiplicité des relations possibles dans une organisation vivante, elle est à la fois fermée sur elle-même et infiniment ouverte à l’environnement et à sa diversité ». Un aller-retour entretenu par un jeu de trompe l’œil où se mêlent, en va et vient, mouvements robotisés et effets de lumières, créant l’illusion d’une infime et délicate respiration. -
Arne Hendriks – The Incredible Shrinking Man
Au cours des huit dernières années, Arne Hendriks a étudié si et comment l’espèce humaines peut devenir plus petite. « The Incredible Shrinking Man » étudie la possibilité d'une espèce humaine à taille réduite. À l'heure actuelle, la pénurie menace l'homo sapiens. Nous devons donc rétrécir pour accéder à l’abondance. L’être humain est l'une des espèces les plus variables sur terre. La personne la plus petite connue de l'histoire humaine était Chandra Bahadur Dangi, originaire du Népal. Elle mesurait 54,6 centimètres. L'Américain Robert Wadlow était la plus grande avec une taille de 2 m72. « The Incredible Shrinking Man » suggère d’atteindre les 50 centimètres. À cette hauteur, nous avons besoin de moins de 25% des ressources nécessaires aujourd'hui. Le défi est moins dans les moyens de rétrécir (c'est une question de gènes et de nourriture), que dans le désir de changer de taille. En effet, les gens ont un amour irrationnel pour la grandeur, la croissance, le toujours plus. Nous ne voulons pas rapetisser, pourtant, nous le devons. Arne Hendriks partagera ses idées sur la façon de surmonter l'impossible et de faire les premiers pas vers une espèce humaine plus petite. Règle numéro un: suspendre l'incrédulité. -
Alexandra Midal – Rembobinons en guise de conclusion
A peine le colloque terminé, Alexandra Midal se livre à l'exercice du flash-back. Sa relecture synthétique et personnelle, dévide la pelote du temps et des récits, naviguant entre mythe, animisme, apocalypse, mais aussi spéculation, érotisme et l'espoir comme résistance. Autant d'arguments qui contredisent l'affirmation de Rem Koolhaas qui disait que le capitalisme serait notre seul horizon.