Est-ce que tu pourrais te présenter pour celles et ceux qui ne te connaitraient pas encore ?
Je suis Professeure dans la filière Soins infirmiers, spécialisée en santé et handicap. J’ai débuté ma formation au Mexique avec un bachelor en Sciences sociales, déjà animée par l’envie de faire de la recherche. J’ai ensuite poursuivi mes études à Dublin (Irlande), où j’ai obtenu un master en recherche sociale appliquée. Mon projet portait sur l’intégration des personnes en situation de handicap dans l’évaluation des soins résidentiels. Il a eu un bel écho : huit pays européens l’ont intégré dans leur politique de santé.
Pendant ce master, je travaillais aussi dans un laboratoire de recherche, ce qui m’a permis de développer davantage mes compétences de chercheuse. Après cela, j’ai intégré une école doctorale à Sydney (Australie), où j’ai travaillé sur l’inclusion des personnes handicapées dans les populations indigènes. Une expérience incroyable.
Puis, je suis venue à Genève travailler un an pour l’Organisation mondiale de la santé, avant de retourner en Australie pour y faire mon doctorat, que j’ai terminé deux ans et demi plus tard.
De retour à Genève, j’ai travaillé pour le Bureau International du Travail (BIT), puis j’ai collaboré avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, ce qui m’a permis de travailler en étroite collaboration avec le CICR en lien avec l’Article 11 de la CDPH (Convention relative aux droits des personnes handicapées). À la suite de ce rapport, je me suis particulièrement intéressée aux droits des anciens combattants. Ces expériences étaient très enrichissantes, mais mon cœur restait attaché à la recherche appliquée.
J’ai entamé un post-doctorat à l’Université de Genève, suivi de la création de ma première équipe de recherche. Par la suite, j’ai effectué des séjours de recherche en tant que chercheuse invitée à Harvard et à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. À l’UNIGE, j’ai notamment collaboré avec la Pre Samia Hurst et le Professeur Antoine Geissbuhler ; ce fut une aventure intellectuelle et humaine passionnante. Après plusieurs années passées à l’UNIGE, j’ai rejoint la HEdS-Genève comme professeure spécialisée dans le domaine du handicap.
Aujourd’hui, je fais partie du groupe d’experts de l’Organisation mondiale de la santé Europe, chargé de conseiller l’OMS sur la mise en œuvre du cadre relatif au handica où je suis la seule représentante suisse et la coordinatrice de l’initiative sur les données liées au handicap.
Qu’est-ce qui t’a décidé à orienter ta carrière dans la recherche ?
J’ai toujours su que je ferai de la recherche. Mais ce qui m’anime, c’est la volonté de faire avancer la justice sociale. Et pour améliorer la qualité de vie de la communauté, il faut avant tout la comprendre.
Qu’est-ce qui te plait le plus dans la recherche ?
Absolument tout ! Ce que j’aime par-dessus tout, c’est la liberté intellectuelle. Faire de la recherche, c’est une chance inouïe – un vrai privilège. En Suisse, on a la chance d’avoir un environnement favorable, avec un soutien financier solide pour la science.
Et la science, c’est ce qui permet de faire bouger les lignes, de faire évoluer les mentalités, d’améliorer concrètement la vie des gens. Sans science, la société stagne. Il y a encore un vrai décalage entre la théorie et la réalité du terrain, notamment dans la prise en charge des personnes en situation de handicap. J’ai envie de changer ça.
J’adore aussi travailler avec les jeunes chercheuses et chercheurs, les accompagner dans leurs projets, les voir prendre confiance. La relève est là, prête, et c’est notre rôle de l’accompagner.
Quels sont tes objectifs à moyen et long terme ?
J’aimerais renforcer les liens entre innovation, recherche et enseignement autour du handicap. Tout le monde devrait avoir un accès équitable à la santé, surtout ici, au cœur d’une ville qui joue un rôle central dans la politique internationale des droits humains.
Je souhaite aussi développer le laboratoire Handicap et santé de la HEdS en faire un laboratoire interdisciplinaire, ouvert à différents champs de recherche.
Et à plus long terme, je voudrais créer une ligne de recherche dédiée à l’accès aux soins – un domaine encore trop peu exploré.
Quels conseils donnerais-tu à une future chercheuse ou un futur chercheur ?
Il faut être curieux, oser poser des questions, et ne pas hésiter à proposer des idées. Si un domaine vous passionne, foncez ! Formez-vous, entourez-vous, engagez-vous. La recherche, c’est exigeant, mais c’est aussi une aventure passionnante.