Dans cet article, Liz Escalle-Dyachenko analyse trois pièces pour cordes composées aux États-Unis dans les années 2010 par des compositeurices trans ou non-binaires. Au lieu de plaider pour la simple inclusion de « talents » trans, naturalisé·exs dans un genre historiquement raciste et cishétérosexiste, ou, au contraire, de défendre la nécessité de définir dans la musique les traits d'une « culture » trans unifiée, iel cherche à démontrer la capacité des pratiques musicales trans situées différemment à imaginer puis à créer des espaces de réflexion sur le rôle que la musique peut jouer dans nos hirstoires trans comme sur la pertinence de notre identité au cœur même de nos expériences musicales, passées et présentes. Dans le cycle de onze chansons pour voix amplifiée et quatuor à cordes Behind the Wallpaper, Alex Temple crée, par le biais de collages ludiques et de citations musicales, un récit onirique de défamiliarisation et de transformation, auquel ses auditeur·ricexs peuvent participer. À l'inverse, If you lived in your body de Chrysanthe Tan, une pièce spoken word plus courte, avec différentes couches de violon, se concentre sur la résonance ou l'éloignement des assignations sociales qui, prises comme forces de déterritorialisation, hantent les subjectivités musicales et non binaires ainsi que le désir d’enracinement. Enfin, dans son œuvre pour quatuor à cordes et voix playback intitulée Tea en mi casa, inti figgis-vizueta propose de décentrer l'autorité de la notation musicale pour créer un site d'hospitalité inversée au sein duquel le public trans et queer peut verbaliser les ressentis et significations potentiels de la musique et de la transitude dans leurs propres archives.