Noirmoutier 2021, d’Olive Reitz
Le scénario :
Un jeune couple part pour les vacances sur l’île de Noirmoutier, dans la maison familiale de la narratrice. La météo n’est guère amène. Les jours en k-way à lire du Stieg Larsson se confondent, jusqu’à la disparition inexpliquée de pots de fleurs pendant une nuit. Cette volatilisation en annonce d’autres qui, par rebond, vont agir comme un agent de déstabilisation sur la relation du couple d’estivants.Extrait :
Scène 5
Un matin, sur la terrasse, les pots de géraniums ont disparu. Il en reste des traces, des ronds plus clairs sur le sol, qui témoignent du vol. Ces pots très gros appartenaient à ma grand-mère. Elle plantait des géraniums parce qu’ils sont réputés pour éloigner les moustiques. On riait beaucoup avec mon frère, petits, quand on voyait les insectes se poser fièrement sur les pétales - ils n’avaient pas l’air embêté. Avec Vinvin, on reste droit comme deux bâtons, bouches bées, en fixant l’absence. J’ai une sensation désagréable au fond de la bouche, celle d’un chagrin chaud, en imaginant des pieds inconnus fouler notre jardin et des mains gantées toucher aux souvenirs. J’imagine des silhouettes se déplacer, dans une chorégraphie décalée par rapport à la nôtre, celle de l’habitude. Les pots trop lourds et leur raclement sur la terrasse, nous endormis, à quelques mètres. J’avais entendu que des fourgonnettes blanches passent dans les rues nocturnes pendant la saison des touristes, à la recherche de tout ce qu’il y a de cher dans les jardins des autres. La journée se déroule, semblable mais un peu différente. J’oublie presque l’incident, qui n’a plus l’air d’affecter Vinvin non plus, en mangeant notre mozzarelle-tomate.
La bande dessinée :
![/head/issue/sites/head_issue/files/migrations/inline-images/recherchesnoirmoutri.jpg [missing img]](/head/issue/sites/head_issue/files/migrations/inline-images/recherchesnoirmoutri.jpg)
Prises de notes d'Olive Reitz en amont de l'adaptation du scénario en dessins
![/head/issue/sites/head_issue/files/migrations/inline-images/recherchesnoirmoutri-6-726x1024.jpg [missing img]](/head/issue/sites/head_issue/files/migrations/inline-images/recherchesnoirmoutri-6-726x1024.jpg)
Extraits du découpage d'Olive Reitz
Reviens, de Michaël Monney
Le scénario :
Au réveil d’une nuit mouvementée marquée par l’intrusion en rêve d’un cow-boy querelleur et d’une jeune femme lascive, qui sont autant de sources de malaise pour le narrateur, celui-ci se prépare à assister à l’enterrement de son meilleur ami Gérard. Au fil de la journée, les souvenirs du défunt affluent et un dialogue imaginaire se noue avec lui, rappelant à ce personnage peu adapté à la vie sociale, combien sa relation amicale lui permettait d’affronter un réel hostile.Extrait :
Je suis seul. Personne. Désespérément seul. Je viens d’avoir l’occasion d’enfin parler à des gens. Je n’en ai pas profité. Le vide, le blanc. Je traverse l’espace-temps à la vitesse de la lumière, tel un navire spatial orphelin de son peuple. Le dernier survivant, l’unique être humain restant, séparé de toute autre forme de vie. Le froid de l’extérieur sort de la salle de bain quand j’y rentre. Le rideau de la douche est ouvert devant moi. Recroquevillé dans son coin. Le carrelage bicolore, en bleu, du mur du fond de la douche brille du mieux qu’il puisse. Une goutte tombe du pommeau. Bien qu’il y ait une petite fenêtre au-dessus du carrelage, la pièce s’assombrit. Un nuage gris passe très certainement au-dessus de ma colline. Je reste devant cette douche, en chantonnant une musique de « Bon entendeur ». Je tends ma main droite sur l’évier, je ressens l’eau légèrement fraîche sur mon cou. Mes pieds se mouillent dans une espèce de pédiluve privé. Je tire le rideau car j’ai froid. La fenêtre se floute. Une brume se disperse jusqu’à que je peine à voir le bas de mes jambes. Je remarque, en levant légèrement la tête, que la vitre n’était pas si bien fermée. Je pose le bout de mes orteils sur le petit rebord collé au mur du bac de la douche. Mon bras tendu touche à peine la poignée, puis ferme doucement la fenêtre. Je continue de chantonner : « Mes deux amants sont beaux comme les arbres fous, mes deux amants sont doux, doux, doux ». Ma main s’allonge de la même manière qu’avant, pour cette fois-ci, atteindre mon shampoing posé sur le haut du mur de la douche. Ce mur ne touche pas le plafond, ce qui agrandit cette petite salle bain. Derrière lui se trouve le robinet, là où je me lave les dents tous les matins. Un petit miroir rectangulaire y est accroché juste au-dessus. « Je suis à eux de l’âme jusqu’à la peau, les nuits sont longues, les jours sont chauds ». Je pèse sur l’évier pour sortir de la douche. Je replie le rideau dans son coin. La fumée a envahi la pièce. Je me dirige sans prendre de quoi m’essuyer vers le miroir. Le but étant de me préparer pour l’évènement. – Qu’est-ce que tu aurais fait à ma place ? Je me parle dans le miroir. – Comment tu te serais habillé pour le mien ?
La bande dessinée :
[gallery size="medium" link="file" ids="2813,2814"] « J’avais un avantage, car mon scénario découlait d’une série de dessins que j’avais tracé ces deux dernières années dans un carnet. J’ai donc pu reprendre certaines idées initiales. Comme mon scénario est long d’une cinquantaine de page, l’étape du découpage m’a permis choisir ce que je voulais garder pour ne pas doubler ou tripler la matière au passage au dessin. Le long rêve du début est condensé en une seule grande image. J’ai aussi décidé de couper entièrement la fin de l’histoire et de m’arrêter à la scène de l’enterrement qui constitue le climax attendu du récit. Dans cet espace narratif réduit, j’ai tenté de suivre une économie d’une planche par page de scénario. Le texte, sous forme de narration, correspond quasiment mot pour mot à celui du scénario. En revanche, certains points de vue se sont inversés lors de l’adaptation. Par exemple, une course jusqu’à l’église parce que le personnage est en retard est illustrée par une série de dessins de bâtiments du village que le personnage longe pendant qu’il se hâte. Ces instantanés me semblaient plus plaisants visuellement qu’un personnage au pas de course. [gallery columns="4" size="medium" link="file" ids="2815,2816,2817,2818"] J’ai opté pour des dessins aux feutres car je voulais m’éloigner de mon style habituel à tendance humoristique. L’histoire étant sérieuse et sensible, puisqu’elle parle de deuil, il m’a semblé que je devais changer de technique. En fouillant dans mes tiroirs, je suis tombé sur de vieux feutres stabilo, pas très qualitatifs, mais dont la texture m’a tout de suite plu. Des gammes de couleurs froides marquent le présent, tandis que des couleurs plus chaudes illustrent les souvenirs avec Gérard ou ce que les deux personnages auraient pu vivre ensemble. J'ai donné un nouveau titre à la bande dessinée qui est devenue Les autres me font peur. » [gallery link="file" size="medium" ids="2820,2819,2821,2822,2823"]La pêche de nuit, d’Elena Pribytkova
Le scénario :
Pour échapper à la routine qui englue leur couple, Alice organise un weekend en amoureux en pleine nature pour fêter l’anniversaire de Marc. Arrivés dans un cadre enchanteur, loin de tout, ils sortent admirer le paysage et en oublient leurs téléphones et la clé de la voiture qui se verrouille automatiquement. L’aventure tourne au cauchemar.Extrait :
Depuis des années, le 13 mai était une date importante. C’était l’anniversaire de Marc, ses 25 ans, et je voulais à tout prix lui faire des surprises. J’essaie toujours de lui rendre ce jour spécial. J’ai pu lui offrir un tatouage, un saut en parachute, un baptême d’hélicoptère ou un voyage à Amsterdam et en Italie. Cette fois-ci je voulais lui offrir une journée au bord d’un lac sauvage. Je l’ai trouvé sur un forum de camping-car, qui disait que c’était un spot parfait pour voir les étoiles et voir de magnifique coucher de soleil dans le reflet du lac. C’était aussi un endroit difficile d’accès où il est déconseillé de se rendre avant fin mai, en raison de la neige fondue et de l’absence d’habitation a proximité. Mais pour moi ce n’était pas un problème, on avait l’habitude d’aller dans des endroits comme ça. On adore voyager et passer du temps dans la nature. On cherchait à s’isoler dans les montagne pour échapper à la routine. J’avais tout planifié : on arrivera là-bas avec notre pique-nique, que je cacherai dans le coffre derrière le sac d’affaires, on fera un tours autour du lac pour essayer son nouveau drone, pour prendre des photos de la nature et se faire des souvenirs. Après une petite balade, on aura mangé les snacks que j’avais préparé, soufflé les bougies et dégusté le délicieux gâteau. C’était censé d’être bien.La bande dessinée :
« L’histoire que je raconte dans mon scénario est inspirée d’une aventure que j’ai vécue. Dans la panique, on ne remarque pas les éléments environnants. Or, quand bien même on est totalement déprimé, la nature, elle, se porte très bien, les oiseaux chantent ! J’ai voulu rendre compte de ces multiples plans de réalités dans ma bande dessinée – ma toute première – en insérant des détails ou des gros plans dans des petites cases qui se superposent sur l’action principale plus linéaire. Le cours d’écriture de scénario de Sofia Kouloukouri m’a entraînée à être attentive à ces éléments de détails dans les films. J’ai conçu une grille comme en mise en page graphique pour introduire ces petites cases au long du récit. Tout a été calculé.![/head/issue/sites/head_issue/files/migrations/inline-images/decoupage-724x1024.jpg [missing img]](/head/issue/sites/head_issue/files/migrations/inline-images/decoupage-724x1024.jpg)
Extrait du découpage d'Elena Pribytkova qui montre la structure de la narration à l'aide d'une grille typographique