Une ethnographie renversée de la déshabitation

Mercredi 19 mars 2014 17h30 - 19h30 HETS - Arcade 12bis, 12, rue Jean-Violette, 1205, Genève, Suisse

Vidy, hiver 2011-2012. Des cabanons de jardin désaffectés abritent des individus et quelques familles en quête de travail et de lendemains meilleurs. L'occupation des lieux déplaît à la municipalité qui s’inquiète de l’afflux de migrants et d’un étalage de misère aux portes de la ville.

Ce terrain de la discorde a fait l’objet d’un travail ethnographique. À l’approche de l’évacuation du squat, il s'agissait de comprendre les formes de sociabilité à l’oeuvre entre les occupants des jardins, et les relations que ces derniers avaient tissées avec leur nouveau lieu de vie. L'espace meublé d'attention du cabanon constitue en effet bien plus qu'un simple logement. Il est un lieu d'ancrage de soi et de projection dans l'avenir, malgré son exiguïté et les conditions de vie précaires de ses habitants.

L'appropriation des jardins renvoie à deux caractéristiques des métropoles contemporaines : le coût élevé du droit d’entrée dans un logement ordinaire d'une part ; et de l'autre, en conséquence, la réalisation d'habitats non-ordinaires dans les interstices que la ville produit. L'exposition « Déshabitations. Eutopies et dystopies urbaines » fait le pari de reproduire ces gestes de création d'espaces autres, afin de mieux cerner comment s'actualise, fût-ce de manière incertaine, cette faculté fondamentale de l'être humain : habiter.

Il s'agira, au cours de cette conférence, de décrire comment nous avons cherché à dépasser l'alternative « cadre de la recherche/cadre de l'exposition » pour faire de l'Arcade 12bis propriété publique un laboratoire de restitution des réalités dans leur sociologie, leurs matérialités et leurs sensibilités en opérant une ethnographie renversée.

En nous appuyant, d'une part, sur des enquêtes de terrain relatives au squat, au mal-logement et à d'autres formes d'exposition relativement protégée à la rue ; en investissant, d'autre part, les usages symboliques et politiques de l'occupation d'un lieu, des placements et déplacements qui s'y opèrent (en référence notamment aux concepts d'« hétérotopie » et de biopolitique » développés par Michel Foucault), nous avons relevé le défi d'une muséographie de la déshabitation, entendue comme mode d'habitat non conforme, relevant de la contestation ou du pis-aller – sinon des deux à la fois.