HES-SO Genève

Jeunesse à petit crédit, des dettes comme avenir ?

HETS

En Suisse, 4 personnes endettées sur 5 ont contracté leur première dette avant 25 ans. A l’heure où le Parlement débat de l’opportunité d’interdire la publicité agressive pour le petit crédit et où Genève a lancé un programme cantonal de lutte contre le surendettement, la HETS sensibilise et forme les futurs travailleurs sociaux à la prévention de l’endettement, et en particulier à l’intervention auprès des publics de jeunes à risques. Vingt-trois étudiants en travail social ont réfléchi à cette thématique dans le cadre d’un module de formation sur la prévention et l’information sociale. Ils ont organisé en janvier une manifestation de prévention nommée « Festi’dettes ». Leur but ? Sensibiliser la population genevoise aux questions liées à l’argent et aux dettes, briser certains tabous, mettre en avant des formes de consommation alternative et échanger avec le public sur la question du « qui éduque ?» Le module de formation «Information et prévention sociale» organisé à Genève depuis 2006 a la particularité de traiter un thème d’actualité différent chaque année dans le but de proposer une activité d’information tout-public en phase avec les préoccupations du moment. Si le sujet doit bien être choisi préalablement par les enseignants pour inviter à l’avance des intervenants de terrain, l’ensemble du processus d’organisation de l’action finale repose en revanche sur le groupe d’étudiant-e-s, ce qui ne va pas sans déstabiliser ces derniers, puisque le groupe «trace son chemin en marchant». A noter qu’ils ne comprennent pas toujours que les enseignants sont logés à la même enseigne et appliquent jusqu’au bout une pédagogie de «coconstruction» de l’action finale du module de formation. Le groupe d’étudiants suit des cours généraux, donnés par des spécialistes devant le groupe-classe afin de constituer un socle commun de connaissances du sujet. Ensuite, il se divise en trois ou quatre ateliers de recherche et de documentation pour approfondir autant d’aspects du thème. Et il se partage encore en ateliers de communication (presse, médias sociaux, vidéo, théâtre) pour mettre en forme les messages de prévention retenus et contacter le public-cible. Dans cette même période, de constants allers-retours entre les réunions plénières, les ateliers et des sous-groupes d’organisation de l’activité permettent d’élaborer un schéma grossier de l’action, puis de le préciser par tâtonnement et approximations successives. Cette démarche a débouché le 11 janvier 2014 sur l’organisation du festival «Festi’dettes» dans la cour de l’école pour traiter de l’endettement et du surendettement dans un cadre musical, festif et «cool», tout en restant sérieux et professionnel. Au préalable, un groupe théâtre avait écrit, mis en scène et répété des mini-tableaux exposant les causes de l’endettement et ses conséquences. Filmées, des capsules de ce groupe ont alimenté la page Facebook mise en place et administrée par un autre groupe d’étudiants. Des tentatives de débats sur la toile ont été lancées, sans grand succès toutefois. Un troisième atelier s’est mué en «service de comm’» de l’événement, a rédigé un dossier et convoqué une conférence de presse pour élargir la publicité en faveur du Festi’dettes. Ses membres ont ensuite poursuivi les contacts avec les journalistes. L’ensemble de ces activités ont permis de mener effectivement un «débat public» préalable d’information et de prévention, dont les retombées effectives échappent à l’évaluation. De même, la journée de Festi’dettes s’est déroulée entre une scène musicale, des démonstrations de danse, de graph, deux représentations théâtrales, une buvette de boisson et restauration entièrement gratuite. La jonction entre le monde scénique et artistique avec le problème de l’endettement a débouché sur des graphs ciblés et même une chanson écrite pour l’occasion. L’activité «fil rouge» de la journée était constituée d’espaces-stands de contact et de dialogue avec le public présent tenus en permanence par des groupes d’étudiants, parfois en collaboration avec les professionnels d’institutions spécialisées. Chacun proposait des activités, des jeux, des illustrations sur un aspect de la gestion financière individuelle. A noter qu’aucun moment «central» de débat n’avait été retenu, les étudiants préférant offrir la possibilité aux gens de participer librement aux activités sans les «coincer» dans une salle, mais en les attrapant par petits groupes devant les activités proposées. Force est de constater que cette formule a instauré une «fluidité» bienvenue dans la journée. La participation totale est évaluée à 300 personnes environ. La journée a ainsi semé des petites graines d’information dans la tête des personnes présentes. Elle a aussi permis aux étudiants de rencontrer et de collaborer avec des professionnels aguerris dans le domaine de l’endettement. Au final, une page Facebook avec une dizaine de capsules vidéo et une cinquantaine d’amis, une dizaine d’articles de presse, des passages en radio et même au Téléjournal de la TSR, des centaines de contacts directs durant la journée ont permis de «passer plus loin» les messages élaborés par les étudiants, à savoir que les parents et l’école doivent collaborer dans l’éducation des enfants à la gestion de l’argent, que tout un chacun peut être concerné par l’endettement suite à un accident de la vie et que tout le monde baigne dans un système poussant à la surconsommation effrénée et, qu’en définitive, il faut détruire le tabou entourant les questions d’argent. Festi’dettes a tracé un chemin.

Michel Schweri, formateur d’adultes, vacataire HETS dans le module « Prévention et information sociale »

Contact : Nicole Lavanchy et Sophie Rodari, co-responsables du module 2013-2014